Sale étranger

L’une des mesures de l’état japonais pour relancer en partie l’économie japonaise est de donner de l’argent à tout le monde (12000 JPY (91€) pour un adulte, 18000 JPY (136€) pour un bébé). Yukiko, Ryu et moi allons donc recevoir 42000 JPY (318 €). Tous ceux qui sont au Japon connaissent cette mesure, bien entendu. Je ne vais pas la commenter, car il y a une news bien supérieure.

Jordan, après avoir eu de la compagnie à la maison tous les jours depuis août dernier (depuis que Yukiko était entrée en congé maternité), après avoir eu un nouveau compagnon en la personne de Ryu, puis deux nouveaux amis avec mes parents qui sont venus pendant la Golden Week, s’est retrouvé TOUT SEUL le lundi 11 mai. Tout seul avec Darma en fait, mais comme Jordan croit qu’il est humain, ça lui fait un belle patte d’avoir un chat avec lui toute la journée. Pense-t’il.

Alors Jordan a paniqué, et malheureusement nous a refait une crise d’épilepsie. C’est le soir en revenant à la maison que j’ai découvert mon bureau plein d’urine de chat, partout au sol, et sur le bureau lui-même. De mon analyse de la situation, il dormait sur le bureau quand ça lui ait arrivé. Il a viré du courrier par terre, puis est lui-même tombé, tout en aspergeant le sol de mon bureau et lui-même de son urine. Mon pauvre chat. Ça lui est de nouveau arrivé le lendemain, mais là ça fait deux semaines que ça ne lui ait pas arrivé. Pourvu que ça dure, car j’ai toujours le sentiment qu’un jour il ne s’en relèvera pas.

Heureusement qu’il fait bon dehors maintenant, et que je peux laisser la fenêtre de mon bureau ouverte…car il y avait comme une odeur pestilentielle dans la pièce (quel scoop).

Par contre, mon courrier, il a pris cher ce jour-là. Ainsi le fameux papier que je dois renvoyer à la mairie, celui qui permettra au pays de m’envoyer mes 12000 JPY pour relancer l’économie, est tout imbibé de…pisse de chat. Deux semaines après, le papier sent toujours la mort, et on n’a pas envie de le toucher. Je vois la tête de l’employé(e) de mairie quand elle va ouvrir l’enveloppe (elle-même bien imbibée). Les auréoles bien suggestives sauront expliquer d’où vient l’odeur, je ne m’en fais pas pour cela. On va me prendre pour le dernier des porcs, et on va me maudire, quand on ira se laver les mains (ou pas) après avoir traité ma demande. J’ai bien pensé à mettre un petit mot explicatif avec le fameux document, mais finalement je vais faire semblant que rien n’est arrivé.

Alors, je m’excuse d’avance à tous les étrangers, car quelque part, un ou plusieurs japonais risquent d’avoir la ferme conviction que les étrangers sont des porcs qui puent.

Passé ce petit intermède aux frais de l’employé(e) de mairie, je vais consoler mon pauvre chat qui ne supporte pas la solitude. Tant pis pour la mairie, mon chat est plus important de toute manière.

La quête (de la crèche)

Puisqu’il faut aller pleurer à la mairie pour avoir une chance d’avoir une place en crèche, Yukiko a été pleurer. Mais on avait besoin de l’aide de nos compagnies respectives pour certifier qu’on croulait sous le travail, qu’on était exploité comme pas permis, pour nous donner une raison de pleurer et de convaincre la mairie de nous avantager par rapport au reste du monde.

La compagnie de Yukiko lui a fait un certificat incroyable. En gros, ils ont certifié sur un papier qu’ils comptaient bien l’exploiter après son retour au travail, la faire travailler jusqu’à minuit tous les jours, et la rendre responsable de la zone de Hokkaido (le gros bloc de glace qui sert d’île, au nord du Japon, vous savez) avec de nombreux déplacements à y faire. C’est complètement faux (enfin on espère, ahah), mais ça doit faire son effet.

Moi, ma boite fut beaucoup moins créative (c’est pas que ça m’étonne non plus), avec juste une mention “fait des téléconferences jusqu’à tard”.

Yukiko est allée déposer la demande de place en crèche directement à la mairie (ceux qui l’envoient par la poste sont des perdants), et a tchater avec la fille du guichet. Pour mon cas en particulier, Yukiko a bien appuyé sur le fait que ma boite m’exploitait tous les jours jusque tard (vrai ou pas, devinez). Réponse de la fille du guichet: jusqu’à avant minuit, ou après minuit? Réponse de Yukiko: jusqu’à après minuit! Tous les jours! Même le week-end! Même pendant les vacances! (vrai ou pas, devinez).

Et là, la réponse officielle qui tue de la mairie: “Ah bon? D’accord.”

Elle a marqué au stylo rouge (la couleur du sang, parce que la réalité des choses déchire) sur notre formulaire de demande que “La mairie avait conclu que les parents” (i.e. nous) ” travaillent tous les deux très tard jusqu’à pas d’heure”. Ce qui nous fait grimper d’un cran au-dessus dans l’échelle des priorités. Suffira, suffira pas…on le saura vendredi.

Les certificats officiels des boites? Ils n’ont pas servi à grand chose dans notre cas, un tchate avec la guichetière de la mairie avait beaucoup plus d’impact. C’est beau l’injustice.

On n’a plus qu’à stresser jusqu’à vendredi, en attendant la réponse.

Attribution des place en crèche: la boite noire de la mairie (suite)

(suite du billet précédent)

Et figurez-vous que certains ont eu la finesse de venir parler avec les employés de la mairie avant la première sélection pour s’enquérir des demandes qui avaient déjà été faites, pour savoir quelles crèches avaient vraisemblablement encore des places disponibles. Ceux-là ont eu une place, parce qu’ils savaient quelle crèche demander. C’est quoi cette politique de pays du tiers monde, où il faut aller tchatcher avec la conne du comptoir de bar de la mairie pour soutirer des infos??!? En gros, ceux qui font dans les règles en croyant en la justesse et l’équité du travail de la mairie se font avoir. C’est moi et Yukiko, par exemple.

Accessoirement, Yukiko en parlait avec notre voisine d’en face (une grand-mère). Remarque de la grand-mère: “Mais quand on voit la maison que vous avez, c’est un peu normal que vous ayez été refusés.”. C’est sympa, elle aurait pu dire “T’es riche sale con, t’as droit à rien, tu te démerdes et bien fait pour ta gueule”, mais elle s’est retenue. En France, on y aurait eu droit tel quel, mais au Japon, voilà, les gens se retiennent et vous assassinent tout en retenue. Mais alors l’aspect de fond socialo-naze déblatéré par des crétins aigris et jaloux, je l’ai bien retrouvé. Ah, séquence nostalgie, je me suis crû retourné en France.

Cette même voisine dont la fille habite à quelques centaines de mètres, nous racontait que sa fille avait eu une place sans problème il y a quelques années (vu que sa mère habite à côté, elle aurait dû avoir une priorité moindre que tout les autres dont ce n’était pas le cas, c’est à dire la majorité des familles). La technique de la fille que nous a racontée sa mère? Elle est allée à la mairie habillée en gueunilles, pleurer qu’elle n’avait pas de sous, que sa mère (qui habite juste à côté d’elle, donc) était malade (asthme!!), qu’elle devrait peut-être s’en occuper et que donc elle devait absolument avoir une place en crèche. Pas besoin de certif médical, sa parole a suffit, et elle a eu la place en crèche. On est VERTS! C’est bien simple, pour avoir une place en crèche, il faut mentir, pleurer, hurler, négocier(!), harceler, exagérer sa situation. Remplir les papiers, être honnête, laisser faire l’administration est la solution des perdants ici.

Bon, on est dans la mouise. On va chercher des crèches, à peu près n’importe laquelle (dans une certaine limite, car on n’a pas envie de mettre Ryu dans une crèche de type prison non plus). Pas trop loin. Il ne nous reste plus qu’à inspecter les crèches non reconnues par l’état, avec lesquelles on peut discuter (et contracter) directement…mais elles semblent bien pleines aussi. On a bon espoir de trouver quelque chose, donc je suis confiant que ça devrait aller, mais franchement sur le concept de la chose, je suis vénère.

(à suivre ?)

Attribution des place en crèche: la boite noire de la mairie

Samedi dernier, mauvaise nouvelle; Ryu a été refusé dans les deux crèches dans lesquelles on a postulé. Motif fantôme de refus: pas assez de place.

Yukiko est allée à la mairie lundi pour demander de plus amples explications, comme par exemple pourquoi d’autres ont été acceptés et pas nous, car on remplissait tous les critères de sélection. Elle a dû faire la queue, car beaucoup de mères faisaient la queue pour insulter l’employée de la mairie. Purée celle-là, elle a pas dû dormir entre dimanche et lundi, car j’imagine que c’est la même chose chaque année et qu’elle devait savoir ce qui l’attendait. Yukiko m’a racontée ce que certains parents lui ont dit, et oh! la vache, qu’est-ce qu’elle a pris. Son chef de service aussi d’ailleurs, avec des “regarde-moi dans les yeux, connard!” et autres “nan mais tu te fous pas de ma gueule?” de parents irrascibles.

Donc, explication de la mairie à Yukiko: ceux qui payent le plus de taxes…sont ceux qui sont tout en bas de la liste d’attente, même à rang égal. Alors même que Yukiko et moi étions dans le rang de plus haute priorité (les deux parents travaillent à plein temps, et leurs parents n’habitent pas dans la même région géographique). Très logique, non? On se croirait en France. Plus on gagne de sous, moins on a de chance d’être accepté, SI il y a ballotage. Accessoirement, cette règle n’est a-priori marquée nulle part, elle semble officieuse. On avait choisi deux crèches qui ont beaucoup de succès (à côté de gares), donc en fait on n’avait aucune chance. L’une d’elles avait 10 places disponibles, 60 familles ont postulé. L’autre, 6 places dispo, et 42 familles postulantes. Bien.

C’est tout simplement inadmissible. On paye plus de taxes que tout le monde. SI on est pris dans une crèche, on paye plus que tout le monde. Mais en fait on n’est même pas pris, sur la base d’un critère même pas officiel. C’est quoi comme service public?

Le pire de tout, qui nous a rendu verts, c’est qu’on a trouvé deux crèches pas loin de chez nous (mais en voiture), bien meilleures que celles pour lesquelles on avait postulé. Ces crèches ont encore 6 places de libre. Et elles sont remises en jeu pour tous les laissés pour compte. C’est le truc horrible; si on avait mis ces crèches dans notre première demande, on aurait eu les places. Mais maintenant on va devoir reparticiper à une sélection qui est bien partie pour tourner à notre désavantage (vu qu’à priori on paye beaucoup de taxes!).

(à suivre)

Des nouvelles de Ryu (4/4)

Lundi, je suis allé à la mairie déclarer la naissance de Ryu. L’employé de mairie, très consciencieux, sort son petit fascicule des prénoms et kanji autorisés, vérifie le kanji de Ryu (龍) et me sort “votre kanji est erroné”. “L’officiel, c’est celui-ci” qu’il rajoute (je suis incapable de le sortir ici, car il n’existe pas dans le programme standard d’écriture des kanji (IME)).

Celui qu’on avait écrit, qui est disponible dans tous programmes standards d’écriture des kanji, est à gauche. L’officiel est à droite.

C’est Yukiko qui a été surprise quand je lui ai dit; elle n’avait jamais vu cette écriture avant et elle a trouvé ça louche, mais bon, soit.

Le soir, ça me turlupinait un peu alors j’ai fait des recherches. Et quelle surprise j’ai eu! (et Yukiko avec moi quand je lui ai montré ce que j’ai trouvé).

Pour faire court, il y avait à l’époque beaucoup de plaintes comme quoi les kanji pour les prénoms étaient trop limités (en nombre). Le gouvernement a alors nommé en 1951 une commission pour officialiser certains kanji utilisables dans les noms (celui de Ryu, “龍” s’entend, a fait partie de cette liste de 1951). La commission a officialisé 92 kanji, la liste calligraphiée fut acceptée et envoyée à l’imprimerie nationale…qui imprima incorrectement le kanji. La liste contenant le caractère incorrect parut au journal officiel en l’état, et du coup la seule écriture officielle fut celle-ci. Elle l’est toujours aujourd’hui.

Trois ans plus tard (1954), une autre commission révoqua 28 kanji, et en ajouta 28 autres…je me demande bien pourquoi ils n’ont pas corrigé ce kanji au passage…d’autant plus que c’est à ce moment qu’ils rajoutèrent le kanji 竜, qui a le même sens que celui de 龍, mais en est le kanji moderne.

En 2005, un décret utilise l’utilisation du kanji 龍 (i.e. l’écriture correcte mais non officielle) pour ce prénom dans la vie de tous les jours, tout en gardant l’écriture incorrecte dans l’état civil (koseki ou passeport). C’est à dire que votre carte de video-club peut porter votre nom écrit en 龍 (écriture correcte mais non officielle) alors que votre passeport doit garder l’écriture officielle (mais incorrecte). Ryu porte donc un kanji qu’il est impossible d’écrire sur un ordinateur classique. Mais vous me permettrez d’utiliser 龍 à la place, en vertu du décret du 3 août 2005… 😆 </anecdote>

Sorti des formalités, l’employé de la mairie m’a donné ses félicitations (pour la naissance de Ryu)…surprenant!! Ils ont eu des consignes en ce sens? Car ça ne ressemble pas du tout à mon expérience antérieure de l’administration japonaise (par exemple pour notre mariage, le gars au guichet n’en avait clairement rien à foutre qu’on lui donne notre déclaration de mariage…pas que ça m’ait dérangé, hein! Les félicitations du gars qui est habillé comme un clown dans la mairie française, je suis bien content d’avoir évité 😉 …non c’est plutôt l’incohérence des réactions qui me surprend).

J’ai ensuite placé Ryu sous ma couverture maladie (ses frais médicaux seront remboursés à 100% jusqu’à ses 7 ans, ce qui est bien pauvre par rapport à d’autres villes/arrondissements qui remboursent à 100% jusqu’aux 15 ans de l’enfant).

On m’a aussi demandé (!) de faire la demande d’aide (financière) à l’éducation. Ils donnent 10000 JPY (66 €) par mois, sous condition de gagner moins de 5,3 Millions JPY (35 k€) nets par an…ce qui n’est pas mon cas. J’ai perdu mon temps sur ce coup.

Il ne me reste plus qu’à aller au consulat de France pour déclarer la naissance de Ryu et rajouter ses deuxième et troisième prénoms…et j’avoue que j’appréhende toujours le contact avec l’administration française. Je n’ai pourtant rien de sérieux à leur reprocher…juste une attente bien longue parfois, une gestion des files d’attente très aléatoire, pas trop de respect des infos confidentielles, et un humour un peu trop cassant parfois (= déplacé vu leurs fonctions). Surprise, il faut prendre rendez-vous par email avec le consulat pour les déclarations de naissance…bizarre. J’espère (et honnêtement, je pense) que ce sera la dernière surprise de ces démarches.

Training Day

Il y a quelques semaines, Yukiko m’a trainé à une séance d’entraînement pour futurs parents, organisé conjointement par la crèche près de chez nous et la mairie. J’étais pas chaud au début, mais en fait, c’était une bonne idée.

En gros, on a appris à donner le bain à un nouveau-né. C’est pas sorcier, mais il y a deux, trois trucs qui ont l’air de vous sauver la vie (ou plutôt celle du bébé), et les reins si vous êtes au courant.

Bon, on a un peu l’air con à donner un bain à un bébé en plastique (il faisait 4 kilos quand même le machin), mais c’est vrai que ça donne les sensations qu’il faut. Et puis on a vu par où attraper le bébé pour pas lui péter le coude ou les reins, on a compris qu’il ne fallait pas secouer le bébé pour l’égoutter, et aussi comment se placer pour pas qu’il nous pisse dessus.

Je plaisante (un peu), mais les femmes présentes de la mairie et de la crèche étaient expérimentées, savaient parler en public, et étaient très sympas. On n’a pas perdu notre temps.

Bonus, on a eu droit à une visite de la crèche où on pense (essayer de) mettre le bébé quand Yukiko reprendra le boulot. La crèche est grande, bien équipée, avec des grandes fenêtres, très lumineuse et avec un jardin immense (pour pas très cher). Le staff est évidemment japonais, les pratiques (et la bouffe!) sont japonaises. A l’intérieur de la crèche, ça sent le tatami et le…la…les…je-sais-pas-quoi d’odeurs typiques des vieux appart’ ou maisons japonais…ça m’embête de mettre mon gamin dans un environnement si japonais, mais il va bien falloir que je m’y fasse. On est au Japon et partis pour y rester, son environnement et sa culture seront différents de ce que j’ai connu, pour le meilleur et pour le pire.