Le bulletin de salaire

Je vous poste un bulletin de salaire japonais, et je vous l’explique. Pour le plaisir de comparer avec ce qui se fait en France. Admettez que c’est rare d’avoir quelqu’un qui poste un bulletin de salaire sur blog!…Mais n’allez pas vous imaginer des choses sur moi à partir de ce bulletin de salaire, car il y a des choses que vous ne savez pas et que je ne vais pas vous dire (parce que le but de ce billet n’est pas de dévoiler ma vie privée ou quelque chose de si personnel qu’un bulletin de salaire sans rien cacher). Je vous aurai prévenu! 😉

(Si j’ai fait une faute dans une explication ci-dessous, merci de me le signaler)

Je l’explique de haut en bas, et de gauche à droite. C’est un peu comme en France si je me rappelles bien!

Tout en haut à gauche, la date. 12年9月, c’est année 12 (de l’ère Heisei, c’est à dire l’année 2000 en France) mois 9 (septembre).

Puis à droite on trouvera un “1250” qui se trouve être le code de la division où je travaillais à l’époque.

Le “007” est l’immatriculation d’employé. Puis vient le nom (“James Bond”), et tout à droite le nom de la compagnie (“MI6 K.K.”).

Première ligne

233,600 JPY est le salaire de base. Celui marqué sur le contrat.

10,000 JPY est un bonus pour le plaisir. C’est un bonus qui récompense votre présence assidue au travail. Oubliez de venir au travail sans prévenir et sans poser un jour de congé, et on vous le sucre. En fait, faites le plusieurs fois, et normalement vous êtes virés. Et si la compagnie a un jour des problèmes financiers, elle n’hésitera pas à vous le sucrer définitivement, même si vous restez assidû. Dans certains cas (ceux où la compagnie n’est pas recommendable), ce bonus peut être inclus dans le montant du salaire marqué sur votre contrat.

7,000 JPY, c’est une prime de déjeuner. Nourrissez-vous pendant un mois le midi avec ça qu’ils disent…comme si 7,000 JPY suffisaient à se nourrir un mois…mais on ne va pas cracher dessus non plus, hein! Et comme pour le bonus pour le plaisir, certaines boites l’incluent dans le montant de salaire marqué sur votre contrat, et le sucre en période de vaches maigres.

Deuxième ligne

On passe à la deuxième ligne, et on voit un 11,370 JPY. Ça, c’est le remboursement de l’abonnement de train pour se rendre au travail. Dans le cas ci-dessus, il s’agit d’un remboursement mensuel. Certaines boites vous payeront 6 mois d’un coup, d’autres 3 mois…et d’autres encore vous donneront votre titre de transport en nature et en mains propres.

Les cases suivantes, à droite sur la deuxième ligne, sont un récapitulatif de tous les chiffres positifs du salaire:

250,600 JPY est le montant de votre salaire incluant les divers bonus et primes (salaire de base + bonus pour le plaisir + prime de déjeuner)

11,370 JPY est le montant non-imposable à payer  par la compagnie (remboursement du titre de transport)

261,970 JPY est le total des deux montants ci-dessus (i.e. le montant à payer AVANT les taxes et autres arnaques).

Troisième ligne

On trouve un 4,524 JPY avec aucune description. A quoi cela correspond-il, mystère. Tout ce que je sais, c’est que c’est un montant à retirer du salaire (par déduction en voyant la suite!). Ça me ferait bondir si je voyais ça sur un de mes bulletins de salaire maintenant, mais à l’époque, je n’en avais apparemment que faire (très intelligent, n’est-ce pas)…

Puis vient le total du montant imposable: 212,137 JPY. Chose amusante, c’est qu’on le calcule avec ce qui vient après. Très logique. En fait, ce montant est le montant du salaire incluant bonus et primes (250,600 JPY, voir ci-dessus) moins l’assurance maladie, l’assurance chômage, et l’allocation retraite.

Quatrième ligne

Viennent alors ces fameuses retenues, dans l’ordre: Assurance maladie (11,400 JPY), Allocation retraite (26,025 JPY) et Assurance chômage (1,038 JPY).

Puis on voit l’impôt sur le revenu (8,150 JPY), qui est, je le rappelle, retenu à la source (sur le salaire) pour tous les gens qui sont en CDI et n’ont pas d’autres sources de revenus que leur salaire, et qui n’ont pas de raisons particulière de bénéficier d’abattements fiscaux (comme des frais médicaux élevés). A la fin de l’année, le département RH calculera le montant réel de votre imposition, et vous enlevera ou donnera la différence par rapport à ce qu’ils ont prélevé tout au long de l’année. En général, il vous rendent toujours un certain montant.

Vient enfin le montant qui va vous être viré sur votre compte bancaire (210, 833 JPY). Il s’agit du montant total de votre salaire (incluant bonus et primes) + titre de transport – impôts, allocations et assurances.

Cinquième ligne

La dernière ligne parle des congés payés. En lisant ce bulletin de salaire on peut lire:

9 jours de congés payés pour l’année, 2.5 jours pris ce mois, 2.5 jours pris cette année, restent 6.5 jours jusqu’à la fin de l’année.

Enfin, le “1” suivant veut dire que l’employé est un “mâle”.

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C’est quand même vachement simple, non? Je résume, en ajoutant les montants en euros au cours récent (1€ = 120 JPY):

Salaire brut: 233600 JPY (1947 €)

Chômage: 1038 JPY (8,6€), soit 0.4% du salaire brut

Retraite: 26025 JPY (217 €), soit 11.1% du salaire brut

Maladie:11400 JPY (95 €), soit 4.9% du salaire brut

Impôts sur le revenu: 8150 JPY (68 €), soit 3.5% du salaire brut

Taxe inconnue: 4524 JPY (38 €)

Montant net (sans remboursement carte orange): 199463 JPY (1662 €), soit 85.4% du salaire brut, après impôts

(Un détail pour faire prendre conscience…il y a quelques temps, le taux de change était à 1€=170 JPY, ce qui aurait donné un montant net de 1173 €…pas exactement le même nombre, hein? Alors quand vous entendez un salaire traduit d’une devise érangère, assurez vous de ne pas juger avec des valeurs françaises dans la tête…parce que le montant traduit en euros (la monnaie yoyo du moment) ne va pas forcément traduire la capacité d’achat de la dite personne dans son pays)

Le montant de la retraite sort du lot, mais sinon, les charges me paraîssent bien faibles. Tu m’étonnes que le gouvernement relève toutes les charges en ce moment!

Dernier point auquel il faut faire attention; n’allez pas croire que ces pourcentages de retenus soient constants quelque soit le montant du salaire brut! Il y a des palliers (surtout pour l’impôts sur le revenu), et quand on en franchit un, on paye bien plus en pourcentage. Le salaire ci-dessus est dans l’une des tranches les plus basses qu’il y ait.

News en vrac

  • Je regardai sur le net la définition d’un film d’horreur (je me demandais si l’un des films que je présente demain en était un), et par hasard j’eus la confirmation que la série des Saw est bien une série de films d’horreur (le film que je présente demain n’est pas un des Saw). Par hasard également, j’ai vu qu’il y aurait au moins 6 épisodes dans cette série. J’ai trouvé que le titre de “Saw VI”, lu en français, ne faisait pas très sérieux pour un film d’horreur (“saucisse”).
  • Les taxes sur l’immobilier sont arrivées. 167,500 JPY (1049 €), ça fait mal, surtout quand on avait oublié que cette taxe existe et n’est pas prélevée sur le salaire. C’est un montant à peine inférieur à l’augmentation de salaire que j’ai eue. Quand j’y pense, dans un an on aura en plus la taxe sur la voiture à payer, et dans deux ans on aura en plus le contrôle technique à payer. Si je compte bien, chaque augmentation de salaire pendant 3 ans sera bouffée par une nouvelle taxe à payer (le contrôle technique n’étant qu’une taxe déguisée). Je suis vert.
  • Yukiko a eu sa première nausée la semaine dernière, le matin dans le train pour aller au travail. Etre compressée comme une sardine dans le train n’a pas dû aider. Après avoir passé 40 minutes dans les toilettes de la gare d’Hiyoshi, elle s’est décidée à rentrer et à prendre sa journée. Bien entendu, la société n’en ayant rien à faire de la raison de son jour de congé, elle a dû le prendre sur ses propres congés payés. Ça m’étonne, car la loi du travail japonaise prévoit un congé maladie pour les règles douloureuses; je me demande comment cela se fait qu’ils ne prévoient rien pour les nausées dûes à une grossesse.

L’état nous rend de l’argent (2)

(suite d’hier)

Donc, l’état nous rend de l’argent et la boite nous fait la déclaration d’impôts toute seule. Parfait, non? Et bien non, car la première année, il faut que nous allions nous-même au centre des impôts refaire une déclaration d’impôts (de la deuxième année à la fin du plan de remboursement, la société nous le fait automatiquement).

Et j’ai crié…criéhé…ma haine dans tout le Japon; l’un des avantages phares du Japon, ne pas avoir à faire sa déclaration d’impôts, le bonheur sur Terre, qui part en fumée pour un an, argh! Dans ma tête, j’ai revu instantanément mon père faisant la déclaration d’impôts de notre famille pendant deux jours d’affilé à la maison, avec des tonnes de documents posés partout…un bond mental dans le passé qui m’a rendu malade pendant des jours.

Alors avec Yukiko, on s’y est mis (à reculons) un dimanche…et là j’ai explosé de rire. En deux heures, dont 3 bonnes pauses, c’était torché facile. La déclaration d’impôts japonaise, une comédie, je vous dis! Regardez donc le formulaire. Il tient sur une page A4! Pour une fois, les japonais sont les champions de la simplicité, ils m’ont scié sur ce coup. Il y avait également un document annexe à remplir, un document spécifique à notre bien immobilier, mais il était encore plus simple.

En gros dans ce formulaire super-simple dont vous pouvez voir la tête en cliquant sur le lien ci-dessus, on doit rentrer les informations suivantes:

  • nos revenus: salaire, pensions, retraites, etc.
  • les divers montants imposables des revenus ci-dessus (genre le montant de la carte orange qui est viré avec le salaire n’est pas imposable, duh!)
  • Les sommes qu’il faut retirer de ces montants imposables: assurances tremblements de terre, frais médicaux, assurance-vie, assurance sociale, etc.

Du montant qu’il reste, on déduit le montant des impôts de cette année:

  • La tranche entre 1000 JPY et 1.949.000 JPY (12255 €): 5%
  • La tranche entre 1.950.000 JPY et 3.299.000 JPY (20744 €): 10%
  • La tranche entre 3.300.000 JPY et 6.949.000 JPY (43694 €): 20%
  • La tranche entre 6.950.000 JPY et 8.999.000 JPY (56584 €): 23%
  • La tranche entre 9.000.000 JPY et 17.999.000 JPY (113.175 €): 33%
  • La tranche de plus de 18.000.000 JPY: 40%

(Je précise bien que les tranches ci-dessus n’ont RIEN à voir avec le salaire; pour moi, le montant à partir duquel le montant de mes impôts fut calculé était 40% moins élevé que le montant de mon salaire…n’allez pas croire non plus que c’est linéaire et qu’il suffit de retirer 40% à votre salaire pour trouver votre tranche, car c’est complètement faux!)

De ce montant d’impôts, on retire quelques trucs comme par exemple les impôts payés à l’étranger (pour ceux qui ont travaillé assez longtemps à l’étranger pour devoir payer des impôts là-bas) ou bien le montant remboursé pour l’achat d’un bien immobilier (voir l’article d’hier).

Ul-tra-fa-ci-le.

En fait, on s’est quand même planté (à cause des trois pauses sans doute), mais ça n’était pas bien grave.

On a pris une demi-journée de congé et sommes allés au centre des impôts (qui en fait est l’antenne du ministère des taxes pour notre arrondissement). Là on a encore halluciné; des préfabriqués (chauffés, ouf!) avaient été mis en place devant l’entrée du bâtiment, et dedans plein de tables avec crayons, formulaires et calculatrices avaient été préparés pour tous les gens qui nécessitent de remplir leur formulaire sur place. En prime, des gens du ministère étaient là pour répondre à toute les questions qu’on pouvait avoir. Il y avait peut-être un employé du ministère pour 5 personnes venues remplir leur déclaration. Et la majorité de ces personnes étaient d’un âge avancé…car tous les retraités doivent faire cet exercice chaque année (plus de compagnie pour leur faire le boulot chaque année). Les autres personnes étaient soit dans la même situation que nous (ayant acheté un bien immobilier en 2007), ou bien n’étaient pas des CDI, tout simplement (j’ignore la situation des CDD, mais les baito doivent faire la déclaration eux-mêmes, c’est sûr).

C’est donc un employé du ministère vérifiant notre copie qui nous a dit qu’on s’était planté à un endroit; on a corrigé, et en une demi-heure on avait donné tous les documents nécessaires et on était dehors.

On n’a plus qu’à attendre notre tout petit bonus versé par l’état, qui est censé arriver dans moins d’un mois. Petit bonus, mais grand plaisir.

L’état nous rend de l’argent

Chose rare de par le monde, l’état nous rend de l’argent. Bien que les réductions d’impôts existent un peu partout, là je dois reconnaître que le Japon n’y va pas avec le dos de la cuillère dans son gros cadeau aux contribuables, et c’est ce qui fait son unicité.

Dans mon cas, comme pour tous les CDI au Japon, la déclaration d’impôts est faite par la société, chaque fin d’année. Ce qui signifie au passage qu’on doit tout déclarer aux RH de sa compagnie: si on s’est marié, si on a eu un enfant, si sa femme travaille, combien elle gagne, si on a acheté une maison, et si oui combien elle a coûté, de quand elle date, etc. Je ne vous dis pas dans les petites boites comment ce genre d’informations peut circuler vite dans tout le personnel (la protection des info personnelles n’est pas encore au goût du jour, non, non), et en règle générale si il y a une petite finasse dans le département RH, elle a vite fait de se faire de bonnes amies dans le personnel avec toutes les histoires salaces qu’elle peut raconter sur tout le monde au déjeuner de midi. J’ai déjà vu UNE personne de ce genre, mais le point positif c’est que c’était UNE personne sur les deux dizaines de personnes de RH que j’aie pu rencontrer en 8 ans. J’ai donc espoir que ce genre de sale histoire n’arrive pas souvent…au moins dans les sociétés dignes de ce nom.

Avec la grosse crise économique qui a frappé le Japon de plein fouet, l’état a jugé bon de faire des reversements d’impôts sur plusieurs choses, comme par exemple sur l’achat d’un bien immobilier. A partir de 1999, tous ceux qui achètent un bien immobilier se voient reverser une partie de leurs impôts chaque année pendant une période de dix à quinze ans (selon l’année d’achat).

Pour donner un exemple, ceux qui ont acheté en 1999 se sont vus recevoir 1% du restant de leur prêt bancaire dans la limite de 500.000 JPY (3144 €) par an pendant 6 ans, puis 0,75% du restant de leur prêt dans la limite de 375.000 JPY (2358 €) par an pendant 5 ans, puis 0,5% du restant de leur prêt dans la limite de 250.000 JPY (1572 €) par an pendant 4 ans. Soit un reversement total de 5.875.000 JPY (36.941 €) sur 15 ans. Sympa, non?

Ceux qui n’ont pas contracté de prêt immobilier ne sont pas remboursés. Niet, zéro.

Bien entendu, puisqu’il s’agit de reversements, il faut avoir payé autant d’impôts…c’est à dire que si on peut recevoir jusqu’à 500.000 JPY de remboursement dans l’année mais que dans cette année on n’a payé que 200.000 JPY d’impôts, alors on ne reçoit que 200.000 JPY de remboursements. AHAH! Ça veut dire que plus on paye d’impôts (sur le revenu, s’entend!), plus on a de chance de recevoir de la thune. C’est à dire que plus son salaire est élevé, plus on sera remboursé. Je saisis l’opportunité pour rappeler (si c’est encore nécessaire) que le Japon est un pays bien capitaliste. Si, si.

Pour ceux qui ont acheté en 2007 (c’est à dire moi et Yukiko par exemple), les reversements possibles sont les suivants:

  • Entre la première et la 6e année du prêt immobilier: 1% du restant du prêt, max 250.000 JPY (1572 €) par an.
  • Entre la 7e et la 10e année du prêt: 0,5% du restant du prêt, max 125.000 JPY (786 €) par an

Total: 2.000.000 JPY (12.576 €) sur 10 ans

OU BIEN (à notre choix):

  • Entre la première et la 10e année du prêt immobilier: 0.6% du restant du prêt, max 150.000 JPY (943 €) par an.
  • Entre la 11e et la 15e année du prêt: 0,4% du restant du prêt, max 100.000 JPY (629 €) par an

Total: 2.000.000 JPY (12.576 €) sur 15 ans

Dans un sens, pauvre de nous, car nous ne serons remboursés “que” de max 2M JPY, alors que ceux qui ont acheté il y a 8 ans sont remboursés de max 5,9 M JPY. Le truc sympa (pour certains), c’est que même ceux qui ne payent pas beaucoup d’impôts (ie ceux qui payent à peine 150.000 JPY (943 €) d’impôts par an) seront remboursés au maximum possible.

(à suivre demain)