- Les écoles japonaises publiques et privées
Au Japon, pour la notion d’écoles publiques et privées, ça m’a l’air d’être en gros comme en France. Le problème, c’est que le systeme éducatif étant totalement différent d’en France, dans le cas du Japon, cela peut poser problème. Je m’explique.
En France, le bac est un vrai examen, un barrage que bon nombre d’écoliers ne va pas passer (quoiqu’avec 86% de réussite cette année, cette affirmation peut paraître quelque peu à côté de la plaque). Une fois en poche, et si l’écolier n’a pas fait de demande ou a été refusé dans les formations qui nécessite le passage d’un concours (sur dossier la plupart du temps), comme les math sup ou les prépa machin, alors les écoliers ont le droit d’aller à l’université. Tout le monde peut y aller, sous condition d’avoir le bac. Tous ces gens ont la possibilité de travailler (travail scolaire, s’entend) pour arriver jusqu’au master.
Au Japon, on termine le lycée sans examen: tout le monde est reçu! Ce qui donne une valeur d’environ 0 (zéro) au fait de sortir du lycée. Le dernier des ignares aujourd’hui au Japon va sortir du lycée sans passer d’examen (il y a un contrôle continu bien sûr, mais ce n’est pas très difficile d’en sortir indemne). Et il n’y a pas de diplôme à la fin du lycée (il y a évidemment sans aucun doute un justificatif de fin d’études). Ensuite, toutes les universités ont un concours d’entrée, et il y a beaucoup moins de places disponibles qu’il n’y a d’écoliers en terminale. L’entrée en université est difficile, il y a beaucoup moins de reçus à ces concours qu’il n’y a d’étudiants en première année de fac en France.
Ces concours d’entrée, les universités en décident le contenu elles-mêmes (ou presque). Et ce contenu va bien au-delà du programme officiel d’éducation décidé par le ministère de l’éducation. Or, les écoles publiques suivent ce programme du ministère…que les universités ignorent gentiment. Un enfant qui va à l’école publique va apprendre des choses qui seront totalement insuffisantes pour pouvoir entrer à l’université. Il y a alors deux solutions: soit l’enfant ne va pas à l’université (mauvaise idée pour faire carrière, à moins d’être un artiste dans l’âme), soit l’enfant doit préparer ces concours par lui-même, en se rendant aux cours du soir. Les cours du soir au Japon (les Juku), c’est un business énorme. Genre gargantuesque. Il est tout à fait commun que les enfants rentrent à la maison à 20h ou 21h, après avoir fini leur école à 15h, avoir rejoint leur école de cours du soir à 15h30, et avoir fini leurs cours du soir à 20h. Arrivés à la maison à 20h/21h, ils mangent, puis doivent faire leurs devoirs pour l’école et pour les cours du soir. Evidemment, ces cours du soir, ce n’est pas donné. Mieux ils sont, plus ils sont chers. Ça doit coûter minimum entre 20000 et 30000 JPY. Un collègue paye 50000 JPY par mois pour sa fille de 9 ans (pour qu’elle puisse passe l’examen d’entrée à un collège privé). Mais ça n’a presque pas de limites. L’école publique a beau être gratuite, les cours du soir coûtent cher, eux.
Donc, bon, faire finir l’école tous les soirs (ou plusieurs soirs par semaine) à 21h à Ryu, moi je suis pas pour (Yukiko non plus). Donc école publique, c’est mal parti pour recevoir nos faveurs.
Notez que c’est le fait de permettre à tout le monde de sortir du lycée tout en empêchant la majeure partie des élèves d’aller à l’université qui rend le système extrêmement élitiste. Le mur à franchir est bien haut, et crée fatalement des inégalités importantes, qui en plus sont injustes car l’examen d’entrée aux universités est plus accessibles à ceux qui payent cher pour que les enfants aillent à d’excellentes écoles du soir (Juku).
Parenthèse: En dehors des universités, il y a des formations du supérieur qui existent (les senmon gakko et les tandai), équivalentes de nos BTS et IUT. Evidemment, le type de carrière qu’on peut espérer avoir en sortant de ces écoles n’a rien à voir avec celui qu’on peut avoir en sortant de l’université. Ces formations sont infiniment plus accessibles que les universités. Fin de la parenthèse.
Les écoles privées, ce n’est pas forcément la panacée; certaines donneraient des cours préparant mieux aux concours, d’autres non, mais en gros on dirait que le passage par les Juku s’avère tout de même nécessaire. Je manque cruellement de données pour pouvoir donner des explications sûres à 100%, tout ce que j’ai n’est que oui-dire, je manque de visibilité quant à la réalité des choses. Du coup, c’est un peu un trou noir, et je rechigne à y mettre Ryu, sans savoir ce que ça vaudra.
En ce qui concerne l’éducation dispensée dans les écoles japonaises, elle est souvent décriée par les étrangers, comme quoi ce serait du bourrage de crâne. Et puis on a droit bien sûr à l’argument sur la censure, entre autres sur ce qui s’est passé pendant la 2e guerre mondiale. Evidemment, quand il s’agit d’apprendre leurs 2000 kanji, il y a forcément du bourrage de crâne à moment donné. Et puis la censure…il n’y en a pas en France peut-être? Ahahah, je rigole doucement. Ce ne sont que des a-priori, mais je pense que dans les écoles japonaises, on fait faire énormément d’activités aux enfants, il y a beaucoup de fêtes (concours sportifs, matsuri, etc), et on pousse beaucoup les enfants à participer non seulement aux fêtes, mais pendant les cours. Beaucoup d’exposés, beaucoup de présentations orales, beaucoup de travail de groupe… et peu de compétition en définitive (à l’intérieur de la classe). Ça me semble très sain. Si seulement il n’y avait pas ces foutus concours d’entrée à l’université…mais l’un ne va peut-être pas sans l’autre.
Les inconvénients que je peux voir dans l’éducation made-in les écoles japonaises, sont d’une part que les enfants n’ont pas l’air de savoir penser en dehors des sentiers battus. Pas facile d’avoir de l’originalité dans leurs opinions. Et puis, ils sont tellement renfermés sur leur île, que leur vision des autres pays et de ce qui s’y est passé est très limitée (très sélective). L’un dans l’autre, ce n’est ni meilleur ni pire que le résultat d’une éducation à la française, même si c’est très différent (c’est mon goût personnel, il n’y a pas dans ces deux méthodes une que je préfère à l’autre). La méthode japonaise rend les relations parents-enfants plus cools tout de même, il y a moins de tensions et de frictions entre les parents et les enfants (en fait il y en a tellement peu que parfois ça sombre dans la pathologie psychologique pour les enfants, comme le phénomène de hikikomori).
En conclusion (je vais faire ma conclusion ici pour ce chapitre, sinon je peux continuer à en parler pendant des pages et des pages), l’éducation dans les écoles japonaises, moi j’aime bien, ou du moins j’en ai une bonne image et je lui ferais confiance pour faire de mon enfant un adulte responsable et bien dans sa peau. Mais alors, le coup des Juku, je tique sévère.