A l’ombre des jeunes filles en fleurs

Deuxième tome (sur sept) d’ A la Recherche du Temps Perdu . J’avance lentement, mais sûrement.

Ce tome était encore meilleur que le premier, bien qu’à mon avis moins symbolique. Proust ne change pourtant pas son style; le flou chronologique est constant, avec le récit d’évênements (réels) qui ne sont pas dans le bon ordre, ou racontés à une époque fausse. L’age du narrateur ainsi que celui des autres personnages n’est jamais révélé. Quand il parle de quelque chose qui est arrivé dans le passé, on ne sait pas s’il s’agit de quelque chose qui date de 2 mois ou de 2 ans.

Par contre, l’histoire de fond (ou plutôt de la forme) est plus facile à suivre. Certes, Proust continue ses parenthèses de dizaines de pages, avec des phrases qui font une page (!), et où on n’arrive pas toujours à voir à quoi se refèrent les pronoms. Il y eut même une phrase de 24 lignes qui commence par “De sorte que” et qui ne finit jamais (je ne l’ai remarqué que grace à la note de bas de page, qui spécifiait que cette phrase était grammaticalement et sémantiquement incorrecte).

Je suis toujours aussi surpris de voir qu’il semble que je connaisse moins de mots français qu’anglais. Comparé à tous les livres anglais que j’ai lu (certes je n’ai pas lu d’ouvrages anglais du début du 20e siècle non plus…), il y a une densité importante de mots que je ne connais pas ! Environ un toutes les deux pages. J’ai pris au hasard un extrait de 14 pages, et ai noté les mots que je ne connaissais pas:

atavisme, galéasse, guipure, linon, coutil, barège, modiste, historié, périgourdine.

Vous les connaissez ces mots, vous ?

Je remarque également un nombre non négligeables de mots anglais, tels “yachtswomen”, ou “shakehand”.

Toujours dans la même veine, un nombre de mots important qu’on aurait crû n’être qu’anglais: “congratulations”, ou “expectant”.

Enfin, quelques expressions qui font tâche dans un tel ouvrage, car ces expressions sont certainement devenues communes, parfois péjoratives: “brouillée à mort avec elle”, ou “la lumière glauque”.

Proust décrit toujours les sentiments des hommes avec une terrible justesse; pour nombre d’entre eux, je n’aurais pas crû que quelqu’un d’autre puisse y attacher autant d’importance que je ne l’ai personnellement fait dans ma très jeune enfance. Et en plus, lui les transcrit admirablement bien. Un virtuose. C’est presque de la poésie en prose parfois.

Lors d’un passage, Proust parle du tact. Pour l’illustrer, il parle d’une personne qui fait un duel pour venger son honneur, et de deux personnes extérieures qui diraient les choses suivantes au dueliste, après le combat:

– L’une le féliciterait, et rajouterait qu’il n’y avait pas pourtant pas eu lieu de s’engager dans un tel duel

– L’autre lui dirait que ça a dû être terrible de participer à un tel duel, mais qu’il n’y avait pas possibilité de faire autrement, puisqu’il y avait eu un affront.

Il se trouve que le vrai tact se trouve dans le premier commentaire, car la personne met en valeur le courage dont le dueliste a fait preuve, sans y avoir été contraint. Ce coup-ci m’a bien fait réfléchir.

Nous avons maintenant fait la connaissance des deux plus importantes protagonistes de cette saga, à savoir Gilberte et Albertine (qui ne me semblent plus être de vieux prénoms). Je suis impatient de savoir la suite. Mon prochain post sur le troisième tome de la saga sera sans doute pour l’année prochaine.

One thought on “A l’ombre des jeunes filles en fleurs”

  1. Atavisme et périgourdine sont les seuls mots que je connaissais. En revanche, tu ne sembles pas connaître le sens premier du mot “glauque”. Glauque est une couleur dans les tons vert. Les yeux verts sont souvent des yeux glauques. Donc de très jolis yeux. Le sens péjoratif est venu parce que la couleur glauque est exactement la couleur des marais stagnants. D’où l’idée d’insalubrité.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *