La bande

On était 4 et on régnait… sur à peu près rien du tout. Il n’y a pas grand chose dans une école primaire de campagne.

Il y avait des cas sociaux dans l’école, des gars avec qui t’avais pas envie d’avoir un problème en dehors des murs de cette même école, mais il y en avait peu et ils ne nous ont jamais cherché des noises. P’têt parce qu’on était 4?

(petite note au passage: je n’ai jamais eu de problèmes dans l’école mais j’en ai eu en dehors – rien de grave)

Les trois autres:

Stéphane V., mon meilleur pote. On se tirait la bourre sur les résultats scolaires, j’étais devant mais pas totalement, et ils m’a pris la première place quelques fois. C’était facile à voir en CM2, avec ce sale bouffon de sa mère de “Monsieur Joubaud” qui plaçait les élèves en fonction de leurs classement le mois précédent. C’est marrant, quelques écoles prépa au Japon font la même chose, il y en a qui critiquent… j’en fais parti. Il y a donc eu une ou deux fois ou Stef fut assis le plus près du bureau de “Monsieur Joubaud”. Oh c’était pas un mauvais prof, c’était juste un sale connard.

On est passé en 6e ensemble, puis plus vu… je crois que y’a eu des petits problèmes de famille qui ont envoyé mon pote dans les limbes.

Fut-ce mon altruisme légendaire ou une peur irrationnelle de la misère (financière et autres…), je ne m’enquis jamais de sa situation et continua ma route dans les études, droit devant sans regarder derrière. Je tombai sur sa mère un jour, au guichet du café du village, où j’achetais des boites d’allumettes à 20 centimes pour allumer les pétards achetés à la boulangerie de “la rue” (celle de “la place” n’en vendant pas), lui décochait un sourire énorme et elle me répondant avec un mépris bien plus énorme. Et ben, j’ai pas compris. Mais je lui ai bien rendu son mépris par la suite, c’est bête (j’étais un gamin), j’aurai dû l’ignorer. En tous cas elle n’avait pas l’air heureuse du tout, hein… je n’ai plus jamais vu un sourire sur sa face.

Je suis tombé sur Stef il y a une quinzaine d’années par le plus grand des hasards, à la banque pour négocier un prêt de… 3000 euros… pour une voiture d’occaze…

Laurent P. En y repensant on avait tous des prénoms bien de notre époque. Combien de Stéphane, de Laurent et de Yann ai-je connus…

Alors Laurent, il me sidérait. Il avait une capacité à dire des trucs hors du monde tellement c’était stupide. Pendant un temps j’ai cru qu’il était attardé mental mais en dehors de ses commentaires cons sporadiques il était tout à fait normal. On peut pas être attardé mental de temps en temps… avec le recul, en fait il était juste pas une lumière. Je sais pas comment le dire sans paraître condescendant, mais je suis désolé, il était bête, quoi. Je n’ai évidemment aucune idée de ce qu’il est devenu après l’école primaire, mais à mon avis il est pas allé loin dans le collège, si jamais il a essayé…

Yann A. Alors lui… c’était le plus fin des trois autres, il avait des bons résultats en classe, pas stellaires mais à l’évidence il n’était pas con, et il était discret, pas à chercher des noises, pas à écraser qui que ce soit, sympa, un gars bien quoi! Et je sais pas ce qui s’est passé dans sa famille mais il y a eu des grosses tuiles apparemment, on dirait que son père a eu une descente aux enfers tant physique (un coup de tronçonneuse dans le ventre selon la rumeur) que psychologique (plus capable de travailler – il était pompier), qui ont -devinez quoi- envoyé mon pote Yann dans les limbes, et quand il en est ressorti il était passé du côté obscur. Il était devenu un loubard, je le croisais de temps en temps et essayait de reconnecter mais à la fin il m’avait fait comprendre qu’il ne voulait plus rien à voir avec moi et que si je continuais de le saluer il deviendrait violent. Bon. J’ai arrêté de le saluer et on s’est ignorés les quelques autres fois où on s’est croisés. Il habitait pas loin de mon collège donc je le voyais quelques fois chaque année. J’ignore totalement ce qu’il est devenu, mais à mon avis: rien de bien. C’est pas facile de gagner une course quand tu rates ton départ. Ma théorie sur son avertissement est qu’il ne voulait pas m’attaquer. Il aurait pu m’agresser pour me faire comprendre qu’il ne voulait plus que je salue mais non, il m’a parlé. A mon avis il restait quelque chose de notre amitié passée. Je voudrais y croire.

Les problèmes de famille peuvent influer sur le futur de l’enfant. C’est connu, mais c’est difficilement évitable. Quand une tuile t’arrive, bah… tu fais de ton mieux comme tout le monde, mais le mieux n’est souvent pas terrible. Il y a des assos pour ça, bravo, mais c’est pas la panacée pour une multitude de raisons. Deux potes sur les 3 de ma bande ont eu des merdes et ont eu un avenir (a priori) pourri. Ça arrive, c’est du concret ces merdes.

Pauvres enfants d’hier et d’aujourd’hui.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *