Réflexions sur l’école (1/3)

Je croyais que ça prendrait plus de temps pour qu’on doive s’y pencher sérieusement, mais non. Il est temps qu’on commence à s’intéresser au type d’école auquel nous enverrons Ryu d’ici quelques années. Au plus tôt, il faut s’y prendre d’ici un an et demi, pour qu’il joigne sa nouvelle école dans environ 2 ans. (Notez bien que ce billet n’est pas une critique des systèmes d’éducation, mais bien une réflexion sur où on va mettre Ryu à l’école)

Il y a plusieurs problèmes, ou difficultés à notre décision. La première, la plus importante, est le grand nombre de choix possibles. J’en donne les détails dans un instant. La deuxième, c’est de savoir qu’on va peut-être le mettre quelque part, et que dans 15, 20 ou 25 ans, Ryu pensera qu’il aurait préféré autre chose que ce qu’il aura eu. Après tout, moi je souhaiterais le mettre là où il serait content d’avoir été, et là où il n’aurait pas de regrets d’être allé. Problème, Ryu est incapable de nous le dire (duh!), alors il faut faire le choix pour lui. Ce problème-ci est vite réglé, car il n’a pas de solution, et c’est pareil pour tout le monde. On va faire au mieux, et choisir ce qui sera a priori le mieux adapté à notre famille et à la personnalité de Ryu.

Le choix des écoles maintenant. En gros, on a le choix entre:

  • Ecole française (“lfjt”, pour “Lycée Franco-Japonais de Tokyo”)
  • Ecole internationale (i.e. en langue anglaise)
  • Ecole japonaise publique
  • Ecole japonaise privée
  • Ecole japonaise “de grande école”

Accessoirement, on a aussi le choix de mettre Ryu en maternelle dès l’age de 3 ans, ou d’attendre qu’il atteigne ses 6 ans pour le mettre en école primaire. Tous les choix d’écoles ci-dessus, ou presque, restent valables pour la question de la maternelle également (ie le lfjt et les écoles japonaises proposent une maternelle, mais on est libre d’y mettre Ryu ou pas).

  • L’école internationale

Déjà, l’un des types d’écoles est éliminé d’office: c’est l’école internationale en langue anglaise. Il manquerait plus que je mette un franco-japonais dans une école américaine alors qu’on a d’autres choix! Il aura assez de travail comme cela à apprendre le français et le japonais, et puis les chances sont grandes qu’il fasse sa vie en France ou au Japon (probablement au Japon si nous-mêmes y restons), alors pourquoi lui donner une langue principale qui n’est d’aucun de ses deux pays? Accessoirement, ces écoles américaines sont toujours trop chères pour ce que c’est (je suis sûr que l’enseignement y est de bonne qualité, mais de là à payer une telle fortune…j’ai des doutes. En tous cas, c’est trop cher pour nous).

  • L’école française

L’école française est un choix viable. Si on considère qu’on va essayer de rendre Ryu francophone et japanophone, le lfjt (Lycée Franco-Japonais de Tokyo) est sans nul doute le meilleur moyen pour y parvenir.

Parenthèse: Il y a de rares parents Français d’enfants bi-nationaux qui sont contre avoir pour but de rendre ses enfants bilingues, et qui considèrent que faire aller son enfant au lfjt (ou toute autre forme d’enseignement du Français sans demande claire de l’enfant allant dans ce sens) revient à le forcer à un type d’éducation contre-nature (puisque nous sommes au Japon), et que forcer un enfant, c’est pas bon. Moi, je préfèrerais que Ryu devienne bilingue et connaissent les deux cultures à un niveau avancé, si possible. Quant à aller au lfjt, on verra bien si Ryu est contre ou pas au début. Si il est contre, et bien on ne l’y mettra pas. Fin de la parenthèse.

L’école française a quelques avantages bien clairs. Ainsi, quand on est au Japon, il est bien plus aisé de savoir parler japonais tout en allant à l’école française, que de savoir parler français tout en allant à l’école japonaise. Puisque la qualité de l’apprentissage d’une langue a une forte dépendance au nombre d’heures auxquelles on est en contact avec elle, si Ryu ne va pas à l’école française, que lui restera-t’il comme contact régulier avec la langue française? Son père, c’est tout. C’est beaucoup, certes, mais ça n’est pas forcément assez (le bouquin sur le bilinguisme que je suis en train de lire en ce moment donne la fourchette 20%-33% du temps éveillé de l’enfant comme minimum d’exposition à une langue pour pouvoir l’assimiler et la parler couramment). En ce moment, je vois Ryu une heure par jour (en semaine), alors que Ryu est éveillé 12h dans la journée. Vous voyez le niveau de français qu’il aura plus tard si on continue comme cela.

L’autre avantage clair du lfjt, c’est de construire une base culturelle commune avec moi. Tout comme pour le langage, ce serait plus facile pour Ryu d’avoir de passables connaissances culturelles sur le Japon en allant au lfjt, que d’avoir un minimum de connaissances culturelles sur la France en allant à l’école japonaise. Les rois de France, Napoléon, les deux guerres mondiales vues du côté français, la colonisation, les matchs de foot à la récré, les blagues bien sales, toutes ces conneries en nombre infini qui forment notre base culturelle…il n’en saurait RIEN si il allait à l’école japonaise. Est-ce grave? Dans l’absolu et si on ne considère que Ryu en lui-même, non ce n’est pas grave, mais il y a beaucoup de discussions que je n’aurais alors pas avec lui. Ces discussions père/fils me semblent importantes (tout comme les discussions avec sa mère, forcément, mais en étant au Japon, par la force des choses, j’espère que de ce côté-ci ça devrait aller).

D’un autre côté, il y a aussi des mauvais côtés au lfjt. Pratiques tout d’abord, comme le mercredi après-midi fermé (cette particularité existe toujours!), ou son emplacement (une bonne heure de train à partir de chez nous, soit environ une heure et demi de trajet de porte à porte). Et puis il y a les mauvais profs (qui existent même au Japon, hein!) qui peuvent avoir une influence néfaste sur le succès scolaire de l’enfant (ça par contre, je crois qu’il y en beaucoup moins au Japon!). En France, un prof peut empêcher un enfant de passer dans la classe supérieure, au Japon beaucoup moins (on ne redouble que rarement au Japon, et même si c’est un systeme paradoxalement bien plus élitiste à mon avis, j’ai de bons a-priori sur lui car j’espère que ça peut tourner au profit de Ryu…mais c’est à double-tranchant, bien sûr). Enfin, j’ai l’a-priori qu’à l’école française les enfants deviennent plus violents, plus compétitifs les uns envers les autres de façon ouverte, verbale, et agressive (c’est totalement un a-priori, basé sur une observation personnelle largement empirique). Et puis le développement personnel des enfants, je ne trouve pas que l’accent soit mis dessus. En gros, les profs ont trop de pouvoir dans les écoles françaises, et beaucoup martyrisent psychologiquement les enfants sans même s’en rendre compte. C’est la culture française qui veut ça à mon avis, en un sens ce n’est pas la faute des profs. Mais plus que la cause et savoir qui est responsable, c’est surtout la conséquence qui me préoccupe pour Ryu (je la joue pragmatique).

J’ai détesté l’école et mes rapports avec les profs. La plupart de ceux-ci étaient des gens gentils j’en suis sûr, sortis de leur classe, mais la plupart était aussi des gros cons. Aucune approche psychologique, aucun respect, un esprit rien-à-foutre latent, et un manque de finesse récurrent. Les exceptions sont notables dans mon cas. Une dizaine en gros, sur toute ma scolarité du primaire à la maîtrise (je laisse le DESS à part, car c’était très spécial et bien différent de tout ce que j’ai eu avant). Ils sont donc largement minoritaires face aux profs que je n’ai pas appréciés. Notez bien que je n’essaie pas de faire une généralisation; cette expérience, ce n’est que la mienne, et je ne suis pas en train d’essayer de critiquer l’Education Nationale dans son ensemble (j’ai d’autres choses à faire). Ce que je veux dire avec ce pamphlet, c’est que j’ai eu une mauvaise expérience de l’éducation française, et que, forcément, j’aimerais bien éviter que Ryu ait la même. Alors un moyen radical, serait de ne pas l’envoyer à l’école française… mais ce serait ridicule de se baser sur une expérience perso, car je ne pense pas que ce que j’ai ressenti à l’époque soit universel. Mon caractère y a sans doute été pour beaucoup et grandes sont les chances que la plupart des écoliers ne ressentent pas la même chose que moi, Ryu compris.

Prix de la scolarité (année scolaire 2009/2010, pour indication):

Frais de 1ere inscription: 200,000 JPY (1551 €)

Maternelle: 902,880 JPY (7002 €)

Elémentaire: 820,800 JPY (6366 €)

Collège: 947,160 JPY (7346 €)

Lycée: 986,040 JPY (7647 €)

C’est pas donné, l’école française (pour les élèves non-français, ajouter 50% du prix ci-dessus), mais c’est toujours moins cher que les écoles internationales/américaines. On espère bien fort qu’elle va continuer à devenir gratuite dans le futur (pour le moment, seules les deux dernières années de lycée sont devenues gratuites pour les élèves français). Aux prochaines présidentielles, si il n’y a qu’un seul candidat qui promet de continuer à rendre les écoles françaises à l’étranger gratuites, je vote pour lui.

PS: Il y a tellement de choses à dire sur les écoles, et l’école française en particulier…je n’en ai pas raconté le dixième à mon avis (l’école en elle-même, les ragots, les témoignages, etc.). J’aimerais tellement en dire plus. On verra dans le proche futur si je peux faire des articles complémentaires sur ce sujet.