Hiroshima mon amour

Voyage d’affaires à Hiroshima cette semaine, 4 jours.

Premier jour, mon contact/collègue/plus que collègue: Tu viens manger à la maison??

Moi: bah ouais!

2e jour, mon contact/collègue/plus que collègue: On va manger/boire et au sauna??

Moi: bah ouais!

3e jour, mon collègue direct: On va manger et boire??

Moi: bah ouais!

4e jour, mon contact/collègue/plus que collègue: On va manger et boire??

Moi: bah ouais!

Putain le lendemain au travail… mon collègue me dit “ça va? t’as pas l’air bien!”. J’étais pas pas bien, j’étais endormi. J’ai émergé vers 14h. RDV à 14h30 avec les numéros 1, 2 et 3 de la boite pour parler de trucs et d’autres.

J’ai passé 4 jours absolument fantastiques dans une ville que j’aime décidément beaucoup: Hiroshima. Le boulot va être dur mais est bien payé et m’intéresse.

Le truc comique, c’est quand le CEO m’a dit: on aurait dû tous les virer. Oui, je m’étais dit la même chose

Il n’y a plus qu’à faire tourner le truc à distance. C’est pas gagné mais c’est surtout pas perdu.

Le record

Jour J: j’annonce à mon chef que je démissionne.

Jour J+1: je dis à mon chef que nan, je vais pas tenir plus longtemps, je me casse.

Jour J+2: Je me casse… dernier jour de taf.

Alors. Démissionner d’une boite comme celle-ci, c’est pas le truc évident, hein, les gens cherchent à y rester le plus longtemps possible normalement. Moi je me barre en un mois.

Partir pendant la période d’essai: perso j’ai jamais vu quelqu’un le faire. Ça doit arriver bien sûr, mais j’ai pas l’impression que ce soit quelque chose de super courant.

2 jours entre l’annonce de son départ et le départ… Je sais pas vous mais moi ça me semble surréaliste.

Ils doivent me détester grave. Je me demande d’ailleurs si ils vont pas me faire des crasses. Je sais pas comment, mais à mon avis, vraiment, ils l’ont pris très très mal. Et bizarrement cela ne me fait nullement plaisir. Ça devrait parce qu’ils m’ont fait chier mais alors… je me dirigeais vers un crack mental.

En un mois j’ai fait une centaine de réunions (sans déconner). J’ai reçu un millier de mails et de messages. Une bonne centaine de liens (intranet) qui débouchaient sur des centaines de fichiers arrangés/classés de la façon la plus démente possible. Pas facile de tout regarder quand tu es en réunion de 9h à 18h.

Et mon training décoiffait. Genre le budget. A faire tous les trimestres, ça prend un mois à faire à chaque fois. Il y a un powerpoint qui “résume” le processus. 30 pages. Une phrase par page genre “il faut aller dans tel système et faire tel truc”. Mon superviseur m’a expliqué tout le process. En 30 secondes. (sans déconner) Il a culot de me dire après “t’as compris?”.

Moi – euh..non, il va me falloir un peu plus de détails.

C’est l’air énervé qu’il passe 3 minutes supplémentaires à m’expliquer. (sans déconner) Et de me répéter “t’as compris?”.

Répète ça sur tous les process… à la fin tu dis plus que t’as pas compris. Tu dis que tu vas essayer de bosser le machin dans les fichiers introuvables de l’intranet qui est plus grand que l’internet de la Belgique.

Tu te retrouves à la fin du mois en ayant fait 5 heures d’heures supp tous les jours et n’ayant toujours compris que 10% des choses. Ton estime de toi-même est dans les chaussettes, t’as un superviseur que t’aimes pas, un chef qui joue le rôle de dieu, on te nomme responsable du projet titanesque “fais nous un boulot parfait hein… t’es le plus ancien donc tu est censé savoir plus que tout le monde… si tu fais une erreur les conséquences seront grâââves.”

Ouais. bon. Bah. Je me casse. Et ils me détestent évidemment, c’est moi qui ai tous les torts (de leur point de vue). Je n’essaie jamais de changer les points de vue des antagonistes. (sauf famille/amis)

Je devrais leur en vouloir. Je finirai peut-être par leur en vouloir. Mais pour le moment je reste sur l’impression amère de n’avoir pas pu faire le boulot.

 

La bande

On était 4 et on régnait… sur à peu près rien du tout. Il n’y a pas grand chose dans une école primaire de campagne.

Il y avait des cas sociaux dans l’école, des gars avec qui t’avais pas envie d’avoir un problème en dehors des murs de cette même école, mais il y en avait peu et ils ne nous ont jamais cherché des noises. P’têt parce qu’on était 4?

(petite note au passage: je n’ai jamais eu de problèmes dans l’école mais j’en ai eu en dehors – rien de grave)

Les trois autres:

Stéphane V., mon meilleur pote. On se tirait la bourre sur les résultats scolaires, j’étais devant mais pas totalement, et ils m’a pris la première place quelques fois. C’était facile à voir en CM2, avec ce sale bouffon de sa mère de “Monsieur Joubaud” qui plaçait les élèves en fonction de leurs classement le mois précédent. C’est marrant, quelques écoles prépa au Japon font la même chose, il y en a qui critiquent… j’en fais parti. Il y a donc eu une ou deux fois ou Stef fut assis le plus près du bureau de “Monsieur Joubaud”. Oh c’était pas un mauvais prof, c’était juste un sale connard.

On est passé en 6e ensemble, puis plus vu… je crois que y’a eu des petits problèmes de famille qui ont envoyé mon pote dans les limbes.

Fut-ce mon altruisme légendaire ou une peur irrationnelle de la misère (financière et autres…), je ne m’enquis jamais de sa situation et continua ma route dans les études, droit devant sans regarder derrière. Je tombai sur sa mère un jour, au guichet du café du village, où j’achetais des boites d’allumettes à 20 centimes pour allumer les pétards achetés à la boulangerie de “la rue” (celle de “la place” n’en vendant pas), lui décochait un sourire énorme et elle me répondant avec un mépris bien plus énorme. Et ben, j’ai pas compris. Mais je lui ai bien rendu son mépris par la suite, c’est bête (j’étais un gamin), j’aurai dû l’ignorer. En tous cas elle n’avait pas l’air heureuse du tout, hein… je n’ai plus jamais vu un sourire sur sa face.

Je suis tombé sur Stef il y a une quinzaine d’années par le plus grand des hasards, à la banque pour négocier un prêt de… 3000 euros… pour une voiture d’occaze…

Laurent P. En y repensant on avait tous des prénoms bien de notre époque. Combien de Stéphane, de Laurent et de Yann ai-je connus…

Alors Laurent, il me sidérait. Il avait une capacité à dire des trucs hors du monde tellement c’était stupide. Pendant un temps j’ai cru qu’il était attardé mental mais en dehors de ses commentaires cons sporadiques il était tout à fait normal. On peut pas être attardé mental de temps en temps… avec le recul, en fait il était juste pas une lumière. Je sais pas comment le dire sans paraître condescendant, mais je suis désolé, il était bête, quoi. Je n’ai évidemment aucune idée de ce qu’il est devenu après l’école primaire, mais à mon avis il est pas allé loin dans le collège, si jamais il a essayé…

Yann A. Alors lui… c’était le plus fin des trois autres, il avait des bons résultats en classe, pas stellaires mais à l’évidence il n’était pas con, et il était discret, pas à chercher des noises, pas à écraser qui que ce soit, sympa, un gars bien quoi! Et je sais pas ce qui s’est passé dans sa famille mais il y a eu des grosses tuiles apparemment, on dirait que son père a eu une descente aux enfers tant physique (un coup de tronçonneuse dans le ventre selon la rumeur) que psychologique (plus capable de travailler – il était pompier), qui ont -devinez quoi- envoyé mon pote Yann dans les limbes, et quand il en est ressorti il était passé du côté obscur. Il était devenu un loubard, je le croisais de temps en temps et essayait de reconnecter mais à la fin il m’avait fait comprendre qu’il ne voulait plus rien à voir avec moi et que si je continuais de le saluer il deviendrait violent. Bon. J’ai arrêté de le saluer et on s’est ignorés les quelques autres fois où on s’est croisés. Il habitait pas loin de mon collège donc je le voyais quelques fois chaque année. J’ignore totalement ce qu’il est devenu, mais à mon avis: rien de bien. C’est pas facile de gagner une course quand tu rates ton départ. Ma théorie sur son avertissement est qu’il ne voulait pas m’attaquer. Il aurait pu m’agresser pour me faire comprendre qu’il ne voulait plus que je salue mais non, il m’a parlé. A mon avis il restait quelque chose de notre amitié passée. Je voudrais y croire.

Les problèmes de famille peuvent influer sur le futur de l’enfant. C’est connu, mais c’est difficilement évitable. Quand une tuile t’arrive, bah… tu fais de ton mieux comme tout le monde, mais le mieux n’est souvent pas terrible. Il y a des assos pour ça, bravo, mais c’est pas la panacée pour une multitude de raisons. Deux potes sur les 3 de ma bande ont eu des merdes et ont eu un avenir (a priori) pourri. Ça arrive, c’est du concret ces merdes.

Pauvres enfants d’hier et d’aujourd’hui.

Et de 5

Je vous ai pas dit? J’ai trouvé un nouveau boulot. Enfin, façon de parler… On pourrait le dire d’une autre façon. Ce qui est important est que je quitte donc ma nouvelle boite en un temps minimalistique pour un truc bien plus concret, bien plus amusant à mes yeux, et bien mieux payé (oui, bien entendu c’est totalement accessoire, nous sommes d’accord). Bien plus instable aussi, ouhlala… Je bas tous les records. Ah et puis ma p’tite boite à moi sur laquelle je bosse les nuits et les week-ends a eu des bénéfices supérieurs à mon salaire au mois de décembre. (20.000 euros de CA). Tout se met bien, c’est irréel. Si seulement ça pouvait durer.

Et quand je dis que “je vais pas rester longtemps”, je putain de plaisante pas, lol.

Franck

En fait je ne me rappelle plus de l’écriture de son prénom… comment écrit-on Frank/Franck en France?

Franck Largement. Un nom de famille incongru, qui a fait rire tout un tas de gens, d’autant plus que Franck était bien large d’épaules. Il y avait un peu de graisse mais surtout beaucoup de muscles, sans qu’il ait eu besoin de faire beaucoup d’efforts pour cela; il était naturellement bien bâti. Et c’est peu de le dire, il était vraiment imposant comme pas possible. Alors on se moquait pas trop de face parce qu’il cognait, lol.

Cheveux frisés naturellement, teint de peau brun… on aurait dit un bronzage un peu fort, sauf que il l’avait tout le temps, donc bon, c’était sa couleur de peau naturelle.

Et il était sympa. Pas à la ramener sur quoi que ce soit (dont sa carrure), il était plutôt discret et facile à parler avec. Un gars cool qu’on apprécie d’avoir pas loin. Mais trop discret peut-être pour y rester attaché; passée la 6e on ne fut plus dans la même classe, on se perdit de vue et nous sommes comme noyés dans l’océan de la vie sans avoir aucune idée de où est l’autre.

La nouvelle boite

Oh boy. Je vais pas rester longtemps.

Vous voyez les problèmes administratifs? Quand vous allez dans une instance publique quelconque pour une démarche pas simple, qu’on vous balade d’un service à un autre, que vous devez faire des démarches dont vous ne comprenez pas le sens avec des personnes dont vous ne comprenez pas l’existence pour remplir des papiers dans un langage extra-terrestre et que tout ça prend des mois?

Hey, je l’ai déjà fait chez at&t, et j’en ai eu une idée chez softbank. Et ben… je peux plus là, je veux pas finir ma vie avec ces conneries.

On va chercher un autre job.

J’aurais dû…

…tous les virer.

Dans ma boite précédente, je gérais deux équipes: l’infra et le dev. Sincèrement je foutais que dalle avec la division dev, ils étaient deux et un autre gars (un connard) les gérais directement avec le CEO. Moi je faisais figure de bouffon.

Mais il y avait l’autre équipe, l’équipe infra, l’IT interne. Là on faisait du bon boulot, mais en toute honnêteté on n’avait pas besoin d’être 4. Ça pouvait tourner avec 2 personnes. Du coup je faisais pas énormément. Ça + la tuile politique qui m’ait arrivée m’ont poussé dehors. C’est surtout pour le politique que je suis parti mais c’est aussi que j’avais peu de poids du genre “si je pars tout se casse la gueule!”. Nan nan, ça pouvait très bien tourner sans moi.

Bon, c’est vrai que mon lieutenant ne s’entendait pas du tout avec le CEO, je faisais beaucoup de politique pour vendre au top management ce qu’on faisait, et ça marchait bien. Mais… je me disais qu’ils allaient mettre de l’eau dans leur vin.

Je suis resté en contact avec le numéro 4 (qui est devenu numéro 3, sacrée histoire). Et que m’apprend-il? Mes 3 subordonnés ont donné leur démission. Pas ensemble, mais l’un après l’autre. L’un part fin décembre, les deux autres fin janvier.

J’aurais dû les virer et garder leur travail pour moi. Je devenais invirable.

J’ai proposé au numéro 3 de faire le travail d’admin les soirs et week-ends, avec ma p’tite boite. On va voir si il mord. Ils cherchent à embaucher quelqu’un mais je doute qu’ils trouvent à temps. Il prend des devis avec des boites qui peuvent faire le travail en externe, mais ça coûte des dizaines de milliers d’euros mensuels.