Un pote dans le poteau

Je venais de rentrer dans l’ascenseur de l’immeuble de ma boite, quand un collègue rentra juste avant que la porte ne se ferme. Nous rentrions tous les deux chez nous. On a fait le chemin vers la gare ensemble.

C’était un collègue que j’appréciais bien, toujours souriant, toujours sympa, toujours de bonne humeur. En fait, au moment où je l’ai vu, je me suis aperçu que ça faisait un bout de temps que je ne l’avais pas vu…un mois peut-être?

Il boitait et marchait avec une béquille. Après les salutations d’usage, je commençais à lui faire la remarque que ça faisait que je ne l’avais pas vu. Et là, il me répondit qu’il avait été en congé maladie de la boite; il était à l’hôpital. “Et pour quelle raison?” demandais-je, devinant que la raison avait à voir avec sa béquille. “Accident de la route” me réponda-t’il.

Je lui demandai quand cela s’était passé, et le couperet tomba. Un an. Le gars n’était pas venu pendant un an à la boite, et ce n’était que maintenant que je le remarquais! Comme quoi la notion de “collègue que j’apprécie”, c’est tout relatif avec moi. J’en eu honte.

Et puis, j’ai demandé des précisions sur son accident. Parce que se reposer un an à cause d’un accident de la route…il faut nécessairement que ça ait été violent. Ce fut apparemment très violent. Ce fut un accident de moto, me précisa-t’il. “Tu conduisais la moto, ou tu t’es fait renversé par une moto?” demandais-je, tout en me rappelant un certain accident ou un ami fut renversé par une moto et y laissa sa vie. Mais mon collègue, lui, conduisait la moto. J’étais sûr que l’accident était dû à un taxi; je déteste les taxis et suis prêt à leur mettre toute la misère du monde sur leur dos. Mais non, même pas. Pour éviter un enfant qui traversait la route, il fonca tout droit dans un poteau électrique en métal. Il m’a dit ce qui s’était passé, mais pourtant je n’arrive plus à me rappeler si c’est parce que l’enfant avait traversé inopinément, ou si c’est lui qui ne l’avait pas vu. En gros donc, je ne me rappelle plus de qui l’accident était la faute, et vous savez pourquoi? C’est parce que je m’en fous totalement.

Si le poteau électrique avait choisi d’être en béton, mon collègue y laissait sa peau, selon ses dires. Il a même réussi à emboutir (juste un peu) le poteau en métal avec son corps. Un choc terrible paraît-il. Deux jambes cassées avec fracture ouverte, ainsi que les deux bras, une clavicule, une hanche, six côtes, poumon écrasé…mais sa tête et sa colonne s’en tirèrent sans blessure, heureusement. Six mois allité, six mois de rééducation avant de reprendre le travail, tout en continuant la rééducation. Des plaques de métal dans tout le corps, avec une carte le prouvant, car pas un portique de sécurité d’aéroport ne le laissera plus passer sans hurler à la mort.

L’anecdote amusante, quoique pas amusante pour tout le monde, c’est sur le plan de la douleur. Après l’accident, il était conscient et bien éveillé, mais ne ressentait aucune douleur. Bon, il n’était pas capable de bouger et encore moins de se relever, alors évidemment il y avait de quoi se douter qu’il y avait un problème, mais c’est sans anesthésique aucun qu’il fut précipité vers l’hôpital le proche. En fait, les nerfs avaient déclaré forfait d’un trait, incapables de retranscrire le niveau des dégâts. Quand la douleur atteint un certain niveau, les nerfs se taisent. Si vous avez un accident et qu’une douleur énorme vous traverse et reste avec vous, dites-vous que c’est moins pire que ça en a l’air.

C’est en sortant de la salle d’opération, au réveil, et alors même qu’il était sous haute dose d’analgésiques, que les nerfs se sont rappelés à mon collègue. Une douleur incommensurable, paraît-il. Je le crois.

On remarque l’infinie gentillesse de ma compagnie qui dans son règlement intérieur réserve une place aux personnes en congé maladie, et continue de payer leur salaire pendant la durée du congé maladie (dans une certaine limite de temps, évidemment); beaucoup de sociétés ici vireraient sans complexe une personne qui se repose un an.

J’ai demandé par curiosité quelle moto mon collègue conduisait. Il s’agit d’une VMAX. A sa réponse, j’ai moi-même répondu “Ah oui, une VMAX…c’est la moto qui fonce mais ne tourne pas bien, n’est-ce pas?”. J’eus droit à un “Oh! Mais tu es un connaisseur!”, bien trop gentil pour la qualité de mon commentaire, surtout qu’en France on a la BD de Jo Bar Team pour s’y connaître en moto. C’était peut-être humoristique et légèrement moqueur comme réponse de sa part…mais il n’aurait pas pu être plus sympathique avec moi.

La demande de stage

La semaine dernière, j’ai reçu une demande de stage.

Il fut un temps (il y a environ 3 ans) où j’en recevais beaucoup, mais c’est plus le cas. Ça m’aurait motivé pour y attacher plus d’attention, sauf qu’il y a 3 ans j’avais le pouvoir décisionnel d’en prendre, tandis que maintenant je ne l’ai pas. Alors y attacher beaucoup d’attention ou pas ne changerait rien au résultat. D’autant plus que ma boite actuelle ne prend pas, et n’a jamais pris de stagiaire. Bref.

Message typique “je souhaiterais faire un stage dans vot’ boite”, sauf que le candidat avait beau dire que ma boite avait l’air super, non seulement il n’avait visiblement aucune idée du nom de ma boite, mais en plus il n’avait aucune idée du secteur d’activité de ma boite, ni de ma fonction dedans. Si il le savait, il l’a soigneusement caché, en particulier dans sa lettre de motivation (sans entête, et sans en parler une seule fois). Sans doute une lettre type envoyée à 453 entreprises différentes.

Le fait de finir sa demande par “si il n’y a pas de place dans votre équipe” (c’est pas MON équipe, au passage), “merci de transférer à n’importe qui n’importe où”. C’est une très bonne signature pour un arrêt de mort virtuel dans une recherche de stage ou d’emploi. Parce qu’à la question motivation…on a une réponse assez flagrante. Accessoirement, des documents en français uniquement, c’est pas très pratique.

J’espère qu’il n’a pas pris mes petites remarques/conseils mal (j’ai été gentil, je vous jure, même pas sarcastique), et qu’il va trouver quelque chose, qu’il change sa méthode ou pas.

Je me suis demandé si je l’aurais pris dans le cas où j’étais capable de prendre un stagiaire. Je pense que:

– Je ne l’aurais pas pris s’il y avait eu un candidat avec une meilleure self-présentation

– Je l’aurais pris si il avait été le seul candidat, et que j’avais un boulot à lui faire faire (que personne d’autre ne pouvait ou voulait faire). Mais il aurait sans doute récolté une indemnisation de misère vu qu’il était visiblement prêt à prendre n’importe quoi (je parle pas “exploitation” non plus!).

Au fait, pour moi, les indemnisations de stages à Tokyo, je les classe comme ça (1 € = 125 JPY):

Moins de 100000 JPY (moins de 800 €): exploitation honteuse

100000-150000 JPY (800-1200 €): misère

150000-200000 JPY (1200-1600 €): honnête, sympa

200000 JPY ou plus (plus de 1600 €) : excellente

(au-dessus de 250000 JPY [2000 €], c’est du n’importe quoi luxueux)

Bon, c’est du “en gros”, hein! On va pas se mettre martel en tête pour ça non plus. Accessoirement, ça n’est pas toujours (“pas souvent” ?) la même personne qui décide de prendre un stagiaire et qui décide du montant de l’indemnisation. Par exemple dans mon précédent travail, je ne pouvais au mieux qu’influencer le montant de l’indemnisation.

Mauvais plan

Mardi prochain, j’ai une réunion téléphonique (“téléconférence”?) avec le Brésil à 7h du matin, et une autre réunion avec l’Australie à 20h (durée: environ 2 heures pour chacune d’entre elles), pour deux clients différents. Et c’est pas le genre de réunion où on peut se contenter d’écouter, c’est une sorte de recette où le client teste ce qu’on lui a installé, et où on doit troubleshooter en live en cas de problème (c’est l’ingénieur qui sera avec moi qui fera le troubleshooting, moi je suis responsable de caresser le client dans le sens du poil).

Entre les deux, une journée de travail normale.

J’aime pas ce genre de mauvais plan.