Reprise du travail

C’était pas la joie de retourner au travail ce matin. En ce moment, mes relations avec mon travail sont complexes (ça veut pas dire “mauvaises”). J’aurais du mal à exprimer ce qui se passe sans écrire un roman, alors heureusement que je n’ai pas le droit d’en parler.

Mais là où on s’aperçoit que c’est grave, le comble, c’est donc d’être en vacances une semaine, de déconnecter totalement, de revenir, et de se rendre compte qu’on a oublié le nom de son collègue (le nom de famille bien sûr, parce qu’utiliser le prénom, c’est un peu proscrit, alors il y a aucune chance que je m’en rappelle)…un dans notre équipe, qui fait le même boulot que nous, assis en face de nous depuis un an et avec qui on parle (de travail) tous les jours. C’était vers midi, quand j’ai voulu lui demander un renseignement, et que j’ai bloqué au moment de l’appeler, genre “comment est-ce qu’il s’appelle déjà…”. Je l’ai interpellé d’une autre façon sur le moment, mais j’ai trouvé ça tellement amusant et impossible que je me suis mis au défi de retrouver son nom sans regarder notre annuaire (‘faut pas abuser non plus). J’ai mis 4 heures à m’en rappeler.

Moi, je sais pas pourquoi j’ai oublié son nom comme ça, mais je me dis que c’est peut-être parce que mon esprit est dans les starting-blocks pour bien déconnecter, mais d’une façon perpétuelle.

Au dodo, maintenant!

C’est la première fois que ça m’arrive dans ma société actuelle, de finir le travail aussi tard. J’ai commencé mon travail hier à 9h, et je viens de le finir, à 3h20 le lendemain. Vous allez rire, mais c’est dans ces moments que j’aime mon travail. Et pourtant, je les fuis ces moments.

On a eu une migration de réseau (c’est comme les oiseaux ces bêtes-là, ça migre) d’un client à partir de 19h, et en gros on a enchainé les problèmes. Heureusement, les problèmes ne venaient pas de nous. Entre autres (bien d’autres, beaucoup d’autres), le coup du switch (du client) qui date de mathusalem et qui ne supporte que le 10/Half nous a bien fait poiler en tous les cas. On a mis 20 minutes pour le comprendre, car personne n’y croyait.

Demain, je m’octroie ma matinée en récup’, j’ai un agenda chargé pour l’après-midi, et on recommence avec le même client et le même réseau à partir de 18h (on va la terminer cette foutue migration). C’est Yukiko qui va être contente, parce que ça vient tout juste de se décider, et qu’elle va devoir aller chercher Ryu à la crèche, alors que c’est LE jour où elle fait ses heures supp’ normalement. Oops. J’aurai d’ailleurs pas vu Ryu souvent cette semaine non plus.

Un peu de vocabulaire

Une fois n’est pas coutume. Un mot japonais que j’ai appris cette semaine: 海底ケーブル. Ça signifie “câble sous-marin”. Comme les câbles sous-marins qui ont été rompus à cause des tremblements de terre récents. (notez que c’est le genre de mot dont on comprend tout de suite la signification grâce aux kanji, même sans avoir jamais ni entendu ni vu ce mot auparavant)

Des (gros) clients ont hurlé, des gens de chez nous ont passé quelques nuits blanches. Au Japon, à priori pas de nuit blanche pour nos employés, juste beaucoup d’heures supp jusqu’à pas d’heure, mais dans d’autres pays comme les US par exemple, il y en a qui ont morflé. De leurs propres mots, reçus par des updates en internes, ils ont installé une “salle de guerre” permettant de suivre l’évolution de la situation et des réparations en temps réel, 24h sur 24.

La majorité des câbles sous-marins qu’on utilisait ont donc été rompus (du moins le traffic ne passait plus par eux), donc redirection de tout le traffic vers les continents (Asiatique et Américain) vers le restant des câbles qui fonctionnaient toujours, hélas pas en nombre suffisant pour amortir tout le traffic, ce qui a eu pour effet de ralentir tout ce traffic, avec en prime beaucoup de paquets jetés à la poubelle (selon leur qualification QoS, c’est là où on voit l’importance de ces lignes dans les contrats).

Bon, la réparation des câbles va prendre des jours, mais la boite a négocié l’utilisation d’autres câbles dans les 24h, ce qui a ramené la stabilité du traffic proche de son état avant les tremblements de terre. Ils devaient bien avoir des accords pour dans ce genre de catastrophe, mais c’est quand même impressionant d’avoir vu cette situation revenir à un niveau acceptable en si peu de temps.

Un pote dans le poteau

Je venais de rentrer dans l’ascenseur de l’immeuble de ma boite, quand un collègue rentra juste avant que la porte ne se ferme. Nous rentrions tous les deux chez nous. On a fait le chemin vers la gare ensemble.

C’était un collègue que j’appréciais bien, toujours souriant, toujours sympa, toujours de bonne humeur. En fait, au moment où je l’ai vu, je me suis aperçu que ça faisait un bout de temps que je ne l’avais pas vu…un mois peut-être?

Il boitait et marchait avec une béquille. Après les salutations d’usage, je commençais à lui faire la remarque que ça faisait que je ne l’avais pas vu. Et là, il me répondit qu’il avait été en congé maladie de la boite; il était à l’hôpital. “Et pour quelle raison?” demandais-je, devinant que la raison avait à voir avec sa béquille. “Accident de la route” me réponda-t’il.

Je lui demandai quand cela s’était passé, et le couperet tomba. Un an. Le gars n’était pas venu pendant un an à la boite, et ce n’était que maintenant que je le remarquais! Comme quoi la notion de “collègue que j’apprécie”, c’est tout relatif avec moi. J’en eu honte.

Et puis, j’ai demandé des précisions sur son accident. Parce que se reposer un an à cause d’un accident de la route…il faut nécessairement que ça ait été violent. Ce fut apparemment très violent. Ce fut un accident de moto, me précisa-t’il. “Tu conduisais la moto, ou tu t’es fait renversé par une moto?” demandais-je, tout en me rappelant un certain accident ou un ami fut renversé par une moto et y laissa sa vie. Mais mon collègue, lui, conduisait la moto. J’étais sûr que l’accident était dû à un taxi; je déteste les taxis et suis prêt à leur mettre toute la misère du monde sur leur dos. Mais non, même pas. Pour éviter un enfant qui traversait la route, il fonca tout droit dans un poteau électrique en métal. Il m’a dit ce qui s’était passé, mais pourtant je n’arrive plus à me rappeler si c’est parce que l’enfant avait traversé inopinément, ou si c’est lui qui ne l’avait pas vu. En gros donc, je ne me rappelle plus de qui l’accident était la faute, et vous savez pourquoi? C’est parce que je m’en fous totalement.

Si le poteau électrique avait choisi d’être en béton, mon collègue y laissait sa peau, selon ses dires. Il a même réussi à emboutir (juste un peu) le poteau en métal avec son corps. Un choc terrible paraît-il. Deux jambes cassées avec fracture ouverte, ainsi que les deux bras, une clavicule, une hanche, six côtes, poumon écrasé…mais sa tête et sa colonne s’en tirèrent sans blessure, heureusement. Six mois allité, six mois de rééducation avant de reprendre le travail, tout en continuant la rééducation. Des plaques de métal dans tout le corps, avec une carte le prouvant, car pas un portique de sécurité d’aéroport ne le laissera plus passer sans hurler à la mort.

L’anecdote amusante, quoique pas amusante pour tout le monde, c’est sur le plan de la douleur. Après l’accident, il était conscient et bien éveillé, mais ne ressentait aucune douleur. Bon, il n’était pas capable de bouger et encore moins de se relever, alors évidemment il y avait de quoi se douter qu’il y avait un problème, mais c’est sans anesthésique aucun qu’il fut précipité vers l’hôpital le proche. En fait, les nerfs avaient déclaré forfait d’un trait, incapables de retranscrire le niveau des dégâts. Quand la douleur atteint un certain niveau, les nerfs se taisent. Si vous avez un accident et qu’une douleur énorme vous traverse et reste avec vous, dites-vous que c’est moins pire que ça en a l’air.

C’est en sortant de la salle d’opération, au réveil, et alors même qu’il était sous haute dose d’analgésiques, que les nerfs se sont rappelés à mon collègue. Une douleur incommensurable, paraît-il. Je le crois.

On remarque l’infinie gentillesse de ma compagnie qui dans son règlement intérieur réserve une place aux personnes en congé maladie, et continue de payer leur salaire pendant la durée du congé maladie (dans une certaine limite de temps, évidemment); beaucoup de sociétés ici vireraient sans complexe une personne qui se repose un an.

J’ai demandé par curiosité quelle moto mon collègue conduisait. Il s’agit d’une VMAX. A sa réponse, j’ai moi-même répondu “Ah oui, une VMAX…c’est la moto qui fonce mais ne tourne pas bien, n’est-ce pas?”. J’eus droit à un “Oh! Mais tu es un connaisseur!”, bien trop gentil pour la qualité de mon commentaire, surtout qu’en France on a la BD de Jo Bar Team pour s’y connaître en moto. C’était peut-être humoristique et légèrement moqueur comme réponse de sa part…mais il n’aurait pas pu être plus sympathique avec moi.

La demande de stage

La semaine dernière, j’ai reçu une demande de stage.

Il fut un temps (il y a environ 3 ans) où j’en recevais beaucoup, mais c’est plus le cas. Ça m’aurait motivé pour y attacher plus d’attention, sauf qu’il y a 3 ans j’avais le pouvoir décisionnel d’en prendre, tandis que maintenant je ne l’ai pas. Alors y attacher beaucoup d’attention ou pas ne changerait rien au résultat. D’autant plus que ma boite actuelle ne prend pas, et n’a jamais pris de stagiaire. Bref.

Message typique “je souhaiterais faire un stage dans vot’ boite”, sauf que le candidat avait beau dire que ma boite avait l’air super, non seulement il n’avait visiblement aucune idée du nom de ma boite, mais en plus il n’avait aucune idée du secteur d’activité de ma boite, ni de ma fonction dedans. Si il le savait, il l’a soigneusement caché, en particulier dans sa lettre de motivation (sans entête, et sans en parler une seule fois). Sans doute une lettre type envoyée à 453 entreprises différentes.

Le fait de finir sa demande par “si il n’y a pas de place dans votre équipe” (c’est pas MON équipe, au passage), “merci de transférer à n’importe qui n’importe où”. C’est une très bonne signature pour un arrêt de mort virtuel dans une recherche de stage ou d’emploi. Parce qu’à la question motivation…on a une réponse assez flagrante. Accessoirement, des documents en français uniquement, c’est pas très pratique.

J’espère qu’il n’a pas pris mes petites remarques/conseils mal (j’ai été gentil, je vous jure, même pas sarcastique), et qu’il va trouver quelque chose, qu’il change sa méthode ou pas.

Je me suis demandé si je l’aurais pris dans le cas où j’étais capable de prendre un stagiaire. Je pense que:

– Je ne l’aurais pas pris s’il y avait eu un candidat avec une meilleure self-présentation

– Je l’aurais pris si il avait été le seul candidat, et que j’avais un boulot à lui faire faire (que personne d’autre ne pouvait ou voulait faire). Mais il aurait sans doute récolté une indemnisation de misère vu qu’il était visiblement prêt à prendre n’importe quoi (je parle pas “exploitation” non plus!).

Au fait, pour moi, les indemnisations de stages à Tokyo, je les classe comme ça (1 € = 125 JPY):

Moins de 100000 JPY (moins de 800 €): exploitation honteuse

100000-150000 JPY (800-1200 €): misère

150000-200000 JPY (1200-1600 €): honnête, sympa

200000 JPY ou plus (plus de 1600 €) : excellente

(au-dessus de 250000 JPY [2000 €], c’est du n’importe quoi luxueux)

Bon, c’est du “en gros”, hein! On va pas se mettre martel en tête pour ça non plus. Accessoirement, ça n’est pas toujours (“pas souvent” ?) la même personne qui décide de prendre un stagiaire et qui décide du montant de l’indemnisation. Par exemple dans mon précédent travail, je ne pouvais au mieux qu’influencer le montant de l’indemnisation.

Mauvais plan

Mardi prochain, j’ai une réunion téléphonique (“téléconférence”?) avec le Brésil à 7h du matin, et une autre réunion avec l’Australie à 20h (durée: environ 2 heures pour chacune d’entre elles), pour deux clients différents. Et c’est pas le genre de réunion où on peut se contenter d’écouter, c’est une sorte de recette où le client teste ce qu’on lui a installé, et où on doit troubleshooter en live en cas de problème (c’est l’ingénieur qui sera avec moi qui fera le troubleshooting, moi je suis responsable de caresser le client dans le sens du poil).

Entre les deux, une journée de travail normale.

J’aime pas ce genre de mauvais plan.