Caractères

En décembre, j’ai eu beaucoup de travail. Il y a eu une semaine où je n’ai mangé que des cup ramen à midi (je crois que c’est la semaine où je n’ai pas écrit un seul billet sur ce blog). Et il y a eu un jour où moi, mon chef et un collègue (tous deux japonais) sommes allés mangés dans un restaurant coréen pas loin de la boite où je travaille. On y va souvent à ce coréen, parce que 1/ le choix de restaurants est restreint autour de ma boite et 2/ c’est pas mauvais. Par contre, le service n’est pas terrible. Peut-être à cause du fait que ce ne sont pas des japonais qui font le service(??).

Ce jour-là, après avoir passé notre commande, mes deux collègues ont eu leur plat en 10 minutes (c’est long!), et moi en 30 minutes (on avait pourtant demandé entre temps qu’ils se magnent). 30 minutes pour avoir mon plat. Bien entendu, mes collègues avaient déjà terminé leur plat quand le mien est arrivé. J’ai pété un cable (ahah), et j’ai littéralement putréfié sur place de remarques désobligeantes la serveuse. Il faut croire que j’ai tellement hurlé, que la salle d’habitude si bruyante est devenue d’un silence qui “résonne” (ahah) encore à mes oreilles. Ça me fait toujours bizarre d’avoir 20 paires d’yeux qui se braquent sur moi au restaurant.

Mon collègue n’a pas décollé les yeux de son assiette (vide) du début de mon engueulade jusqu’à ce que mon chef parle (10 secondes après mon engueulade), le tout d’un air très sérieux. Mon chef était en extase, en me félicitant de leur avoir fait des remontrances (“c’est bien que quelqu’un leur dise qu’ils abusent”), et en disant des “kakkoi” (“Cool!”). Il a d’ailleurs raconté à tout le monde la semaine d’après ce que j’avais mis dans la gueule de la serveuse. C’est qu’il en ait parlé ouvertement devant moi qui m’a fait penser qu’il n’en pensait rien que du positif.

Parce que putain, j’ai eu chaud. Avec l’engueulade que j’ai balancée ce jour, il aurait tout aussi bien pu mal le prendre. Il va falloir que je me surveille, et que j’en balance pas trop des engueulades comme ça. Mais ce n’est pas le genre de choses que je contrôle très bien. En fait, je suis plutôt habitué des extrêmes; 99% du temps je suis tout calme tout sourire, mais le 1% restant je me transforme en Joe Dalton. Ces 1% font toujours peur à Yukiko quand on sort quelque part; d’ailleurs, c’est vrai qu’il m’arrive souvent de faire des remontrances aux serveurs ou vendeurs qui font une connerie. Même la fois où mes parents sont venus au Japon et qu’on a été dans un bon restaurant avec mes beaux-parents, j’avais eu une parole un peu désobligeante (on pourrait la traduire par “Vous vous foutez de moi? Changez moi ça dare-dare!”) pour la serveuse qui m’avait amené un pavé de rumsteak à la sauce aux anchois, alors même que je lui avais dit lors de la commande “Je ne peux pas manger de produits de la mer, faites attention svp”. Mais bon je relativise l’appréhension de Yukiko, puisque ma cocotte ne s’est pas vue quand elle enguirlande quelqu’un (elle est même habituée à faire pleurer les filles sous elle au boulot…). En fait je crois que personne ne sait où se mettre quand son partenaire pète une vénule envers quelqu’un d’autre, devant nous.

Tout ça pour dire qu’il va falloir que je trouve une balance entre mer de glace et volcan en éruption, parce que sinon ça va se retourner contre moi un jour. Les caractères changeants sont ce qu’il y a de plus appréhendé un peu partout sur la planète (même en France dans une certaine mesure, mais alors au Japon les gens croient qu’on est malade), alors il vaut mieux être volcan à longueur de temps ou glaçon à longueur de temps, plutôt que de jouer à la marelle entre les deux. Je vais me surveiller.