(Double ⇒ Simple) Nationalité

Une discussion qui fait toujours rage au Japon est celle de la double nationalité…car le Japon ne l’autorise pas. Bon, moi je trouve ça bête et dommage de ne pas l’autoriser (“On est japonais et rien d’autre!!”…), mais le Japon fait ce qu’il veut. Mon statut de résident permanent me donne les avantages dont j’ai besoin, s’il y avait mieux, ce serait mieux, mais comme “y’a pas”, et bien tant pis, c’est pas bien grave.

Alors, le Japon et la double nationalité. Le Japon dit haut et clair qu’il n’est pas autorisé d’avoir une autre nationalité que celle du Japon si on a celle du Japon. Mais le Japon est assez cool, dans le sens où il ne vont pas aller traquer les gens qui ne respectent pas cette loi, et les officiels ne vont en général pas essayer de mettre les gens en défaut; par exemple à l’aéroport, ils ne vont pas demander aux japonais d’ouvrir leurs sacs pour vérifier qu’ils n’ont pas un autre passeport, même si le ou la japonais(e) en question vient d’un pays étranger sans avoir un seul tampon sur son passeport, ce qui veut pourtant bien dire la plupart du temps que le ou la japonais(e) a un autre passeport. Mais le Japon n’a jamais dit non plus que ses officiels ne le demanderont jamais. Pour moi, cela représente un risque au regard de la loi, mais pour beaucoup, le fait qu’ils ne connaissent personne à qui cela soit arrivé signifie que de facto cela n’arrivera jamais. Bon…soit…chacun son opinion et son interprétation des choses.

Par contre, si un étranger fait la demande de la nationalité japonaise, le Japon ne fait pas l’autruche; “vous n’avez pas la nationalité japonaise, donc vous avez une autre nationalité (à moins d’être apatride!), donc il faut un papier certifiant l’abandon de votre nationalité d’origine”. Là, c’est clair et net, il y a peu de moyen d’échapper au couperet d’une de ses nationalités (la loi dit qu’on doit toutes les abandonner).

Mais il y a deux cas de figure où le Japon se fait régulièrement truander (je n’ai rien contre les personnes qui le font, car je ne crois pas que cela porte préjudice à autrui, et donc je pense que cela ne regarde qu’eux et leur conscience. En outre, si moi je pouvais avoir les deux nationalités, je les prendrais). Le premier cas de figure est quand un enfant “mixte” hérite des deux nationalités de ses parents, l’un japonais, et l’autre d’une autre nationalité que celle du Japon. Le Japon autorise alors la bi-nationalité jusqu’au début de la vingtaine (soit peu après la majorité il me semble, j’ai oublié l’âge limite exact). A ce moment, le binational est censé choisir entre ses deux nationalités, mais il est vrai que “souvent” (je ne peux hélas quantifier précisément “souvent”) le binational gardera ses deux nationalités. Certains ont eu le bon sens de ne jamais déclarer leur autre nationalité, d’autres amènent avec eux un avocat à chaque renouvellement de leur passeport japonais, d’autres encore se vantent de n’avoir aucun problème pour le renouveler. C’est un cas de figure dans le gris; certains déclarent que pour les binationaux de naissance, la binationalité est “tolérée”, mais cet avis est souvent exprimé dans un flou des plus artistiques (ou plutôt “des plus trollesques” quand il s’agit de forums publics). Je connais moi-même des binationaux de naissance, qui m’ont donné plusieurs versions des faits, et j’ignore ce qu’il en est exactement. Quoique j’aie mon idée sur la question; mon idée, c’est que c’est flou, même pour les officiels japonais qui pour certains n’ont pas trop envie de se prendre la tête.

Le deuxième cas de figure, c’est quand un japonais demande une autre nationalité que la sienne (par exemple la nationalité canadienne). Si le pays d’adoption autorise la double nationalité, ce pays ne va pas demander l’abandon de la nationalité japonaise, et le japonais en question n’a aucun besoin de déclarer sa nouvelle nationalité au Japon. Le Japon n’a alors aucun moyen de savoir que son citoyen a reçu une nouvelle nationalité. Là encore, je me suis entendu dire que le Japon tolérait cette situation. Le principal argument de cet opinion? Les gens n’ont jamais entendu parler de quelqu’un qui s’était fait prendre sa citoyenneté japonaise de force. On n’en entend pas parler? C’est que ça n’existe pas. Ben voyons.

J’ai trouvé l’exception qui doit confirmer cette règle 😉

J’ai rencontré une japonaise, habitant au Canada depuis 30 ans, qui a la nationalité canadienne depuis plus de 20 ans. Elle ne se servait de son passeport japonais que quand elle rentrait au Japon (pas trop louche, hein…mais les gens de l’immigration ne lui ont jamais rien dit). Et puis, elle a eu un décès dans sa famille. Sa famille au Japon a proposé de faire les démarches notariales pour elle, et ça l’arrangeait d’éviter de venir pour ça. Elle n’avait qu’à aller au consulat du Japon au Canada faire une procuration.

Elle est allé au consulat japonais. Elle a fait les papiers. On lui a demandé une pièce d’identité, elle a sorti son passeport japonais. Et là on lui a dit: “C’est marrant, vous n’avez pas de titre de résidence au Canada inscrit dans votre passeport japonais. Comment êtes-vous rentrée au Canada? Vous n’auriez pas une autre nationalité par hasard?”.

Elle, bien embêtée et penaude: “bah…c’est à dire que…” (elle réfléchit vite vite à un bobard qu’elle pourrait raconter, mais aucun ne tient la route. Alors penaude, elle continue) “bah oui…”.

Ce fut leçon de morale pendant quelques minutes, et après qu’on lui ait demandé de choisir entre les deux nationalités (réponse évidente: “je reste Canadienne”), passeport japonais coupé en deux (sur le champ), et frais de retrait de citoyenneté de 250$ canadiens (178€) à payer de force. En une heure chrono, elle a perdu sa nationalité japonaise.

Concrètement, elle s’en fout. Sa vie est au Canada depuis 30 ans, point barre. Mais quand même, je la plains un peu, car sur le moment ça doit vexer et mettre un coup. Et donc, pour conclure, perdre sa nationalité japonaise selon l’application de la loi japonaise, c’est possible, même si une étude empirique de 30 secondes conclue que cela a peu de chances d’arriver (certains sautant même sur la conclusion que “ça n’arrive jamais”). Il faut juste tomber sur une personne (un représentant officiel de l’état) un peu plus à cheval sur les règles que les autres, et oh! surprise, de telles personnes existent au Japon.