Albertine Disparue

Sixième tome de la saga écrite par Marcel Proust. Albertine se prend un arbre de face quand son cheval l’envoie valser, et disparaît. Bouquin assez court.

Dans la première partie du livre, on voit le narrateur aux prises avec la disparition de sa prisonnière. “Albertine est morte” devient une lithanie, présente deux ou trois fois par page, rythmant le récit de la souffrance virtuelle du narrateur. Cette souffrance est admirablement bien décrite, mais ça ne dépareille pas du reste de l’œuvre. Avoir toute une tranche de vie intimement reliée à une personne qui par la suite disparaît vous fait découvrir de toutes nouvelles sortes de douleurs. Une partie de soi disparaît avec la disparue.

La deuxième partie est à mon avis une ébauche du dernier livre, mais on y lit encore plus de références historiques qu’ailleurs. Quelqu’un peut-il réellement, sans aide extérieure, comprendre les centaines de références faites par le texte? Toutes ces références qui, hélas, à mon goût, ne font que diminuer la valeur littéraire de l’histoire, quand celles-ci n’ont aucun lien directe avec cette histoire. Exemple:

“L’habitude d’associer la personne d’Albertine au sentiment qu’elle n’avait pas inspiré me faisait pourtant croire qu’il était spécial à elle, comme l’habitude donne à la simple associations d’idées entre deux phénomènes, à ce que prétend une certaine école philosophique, la force, la nécessité illusoires d’une loi de causalité.”

Note de bas de page: “On reconnaît la philosophie de Stuart Mill (1806-1873), qui est associationniste.”

Oui, certes. Moi, je ne l’avais pas reconnue, j’avoue, mais maintenant qu’on me le dit…Et les références sur tel ministre ou tel personnage politique sont légions…on atteint les 500 notes de bas de pages pour 273 pages d’un livre de poche.

Mais heureusement, le récit de Proust est abordable pour les incultes tels que moi. Ses descriptions de sentiments, ses explications sarcastiques des évolutions de sentiments, et dans une certaine mesure des… associations… faites entre des souvenirs, et une scène du temps présent, sont éblouissantes et révélatrices. Pas étonnant que Openheimer ait déclaré A la recherche du temps perdu son livre préféré. Une telle analyse, une telle matérialisation en des mots de sentiments dont personne ne parle, dont personne ne veut parler, mais que la plupart des gens ressentent était une tâche des plus ardues.

Ces bouquins sont une référence sur la vie et, dans une certaine mesure, sur le temps qui passe. Mais c’est pas du tout ce que j’avais imaginé avant de les lire (il m’en reste un à lire tout de même).

En conclusions, quelques citations…être d’accord ou pas avec leur contenu (surtout pris hors-contexte) n’a aucune espèce d’importance.

“Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination.”

“Plus le désir avance, plus la possession véritable s’éloigne.”

“Le désir engendre la croyance.”

“Notre amour de la vie n’est qu’une vieille liaison dont nous ne savons pas nous débarrasser. Sa force est dans la permanence. Mais la mort qui la rompt nous guérira du désir de l’immortalité.”

“L’optimisme est la philosophie du passé.”