Le village aux huit tombes

Un livre qui me fut recommandé en commentaire d’un article…vous voyez, je vous lis 😉

Le village aux huit tombes a l’air impressionant par sa taille (pour ceux qui comme moi ne lisent pas beaucoup), mais il se lit extrêmement vite. Il a dû me falloir 5 ou 6 heures pour le lire, les lecteurs expérimentés devraient prendre la moitié de ce temps (?). J’ignorais totalement l’histoire (c’est un peu comme les films; je ne lis rien du bouquin avant d’acheter ou louer), et il se trouve qu’il s’agit d’un roman policier. J’aurais probablement  détesté l’idée même d’un tel livre s’il n’avait pas été écrit par un Japonais et qu’il ne se passait pas au Japon. Mais sorti de cet environnement japonais, cela reste un roman policier très banal.

Le style est très simpliste. Pas de vocabulaire recherché, pas de tournures de phrases alambiquées, pas de recherche métaphysique; c’est un roman, une histoire qui ne cache rien derrière, sauf peut-être pour ceux à la recherche d’informations sur la société  japonaise. Des fois ça devient même trop bêbête, on a l’impression de lire une histoire pour enfants (ce n’en est pas une). C’est peut-être que le livre est vieux (1951, traduit en français en 1993). Un passage dans le style bêbête qui m’a retourné:

“Il (Note de Cable: l’amoureux) traina Tsuruko (NdC: son amante) par les cheveux, la roua de coups et après l’avoir dénudée déversa sur son corps des baquets d’eau glacée. Et il saisit Tsuruya (NdC: leur fils de 2 ans) (…) pour lui brûler atrocement le dos et les cuisses à l’aide d’une pince brasero. (…) Elle (NdC: Tsuruko) se cacha chez ses parents pendant deux ou trois jours au bout desquels elle apprit l’effroyable colère de Yōzō (NdC: son amant). Epouvantée, elle prit la fuite vers Himeji.”

Euh… Elle se fait martyriser de folie, leur fils se fait brûler au fer rouge, mais ce n’est que deux ou trois jours plus tard, en entendant la rumeur de la folie de son amoureux, qu’elle panique? Ça ne tient pas debout! A la lecture de ce passage (en prologue du livre, racontant le background de l’histoire), j’ai failli en abandonner la lecture. J’ai mis ça sur le compte d’une mauvaise traduction, en espérant que ça s’arrangerait. Il n’y eut pas beaucoup d’autre passages aussi ridicules, heureusement, mais le style resta un peu bêbête ou simplet.

L’histoire, par contre, est intéressante, quoique loin d’être retournante. C’est le genre d’histoire que j’aurais aimé lire quand j’étais adolescent. Je ne regrette pas de l’avoir lu car c’était divertissant, et on a vraiment envie de savoir le coupable derrière les nombreux meurtres qui se passent au village (50 pages dans le bouquin, et j’étais collé à sa lecture). Mais…c’est un roman, sans recherche autre que sur son histoire, et sans message. Pas le genre de livre que j’affectionne. Un de temps en temps, ça va, mais ce n’est pas le genre de bouquin que je recherche.

tombes

Goodbye Tsugumi

Je n’avais lu qu’un seul livre de Banana Yoshimoto: Kitchen. C’était pour le concours d’entrée à mon DESS (plus un examen qu’un concours d’ailleurs), et j’avais pris le livre le plus fin que j’avais pu trouver. Kitchen racontait une histoire simplette, un truc de petite fille sur la forme, mais ça m’avait retourné (serais-je une petite fille dans l’âme? :lol: ). Je l’ai relu il y a quelques temps, et ça m’avait fait à peu près le même effet, l’effet de surprise en moins. Un livre formidable. Alors j’ai acheté Goodbye Tsugumi, un autre livre de Yoshimoto.

J’avais lu Kitchen en français, mais ce livre-ci, je l’ai lu en anglais (je devrais me mettre à lire en japonais, mais j’ai la flemme car ça me demande bien plus d’efforts; il y a forcément des mots que je connais pas, ce qui trouble ma lecture). Et bien… je trouve le français bien plus adapté au style de Yoshimoto. Les prochains livres de Yoshimoto, je les lirai en fraņçais (ou en japonais si j’arrive à me motiver un jour).

Le style littéraire est identique à celui de Kitchen. La qualité technique (littéraire) du récit d’évênements est simplement formidable. C’est un style largement épuré, qui avec des mots simples arrive à évoquer des sensations et des impressions très complexes. C’est bien simple, je n’ai jamais lu des écrits qui arrivaient à retranscrire ce genre d’impression. C’est un style largement nostalgique, toujours au passé, qui ne raconte que des tranches de vie (les mêmes tranches de vie dont Proust parle dans les derniers paragraphes de Du côté de chez Swann). L’histoire ne raconte pas tout, mais juste des passages choisis de quelques minutes. Je pense que notre mémoire sélective fonctionne de cette manière; par exemple, si j’essaie de me rappeler de (par exemple) mon été 1996, c’est exactement ce dont je me rappelle: plusieurs passages de quelques minutes, des réflexions éphémères (pas si éphémères que cela finalement 😉 ), des impressions ponctuelles, des situations ou dialogues restés dans ma mémoire; tout cela est devenu représentatif de cet été-là.

Goodbye Tsugumi, c’est donc dans ce style. La notion de temps est assez floue, alors chaque paragraphe commence par “quelques jours après”, mais comme on n’a pas de point de référence, on ne sait jamais trop où on en est. On sait ce qu’on doit savoir, comme par exemple si c’est l’été ou l’hiver, car cela a une importance dans l’histoire.

Le thème de l’histoire est simplissime; le narrateur se rappelle quand elle habitait près de la mer, et de sa meilleure amie qui s’appelait Tsugumi. Tsugumi était fragile et proche de la mort, et le livre raconte les relations du narrateur avec Tsugumi, la famille de Tsugumi, ainsi qu’avec sa propre mère et son père. Très simple. Des thèmes vont se dégager petit à petit, les thèmes apparemment habituels de cet auteur; le développement psychologique des jeunes, la jeunesse en général, l’impact psychologique de la maladie/mort sur les hommes, la perception du passé, etc.

J’aime beaucoup son écriture, et je retire véritablement quelque chose de ses livres. Goodbye Tsugumi se lit très facilement, comme l’était Kitchen également. J’ai beau avoir retiré beaucoup plus de Kitchen que de ce livre, cela reste une œuvre impressionante pour moi, et je vais sans doute dans les années à venir lire tous les livres de Banana Yoshimoto (en français si disponible). Personnellement, je recommande à tout le monde d’essayer de lire au moins un livre de Banana Yoshimoto. Ça plait, ça plait pas, de toute façon il n’y a rien à y perdre, mais pour ceux en quête d’auteurs qui pourraient plaire, je signale que j’aime énormément ce qu’écrit cet auteur.

Piercing

Il fallait bien que je lise un bouquin de Ryu Murakami un jour. D’abord parce que tout le monde en parle, ensuite parce que je me demandais comment ce présentateur télé (pour les non-habitants du Japon: oui, il présente des émissions de télé) pas terrible du tout et à l’aspect assez…traditionnel/pas excentrique pouvait écrire les bouquins dont on parle tant, assez violents psychologiquement et portant sur le côté sombre du Japon.

J’ai pris Piercing, parce que c’est le premier bouquin qui me soit tombé sous la souris. Je ne connaissais pas l’histoire, et à la limite, je m’en moquais totalement (je ne lis pas un livre pour l’histoire qu’il raconte).

Alors, c’est vrai que c’est (sur la forme) un peu décalé par rapport au style lisse qu’on peut imaginer d’auteurs de roman, et/ou d’auteurs japonais. C’est infiniment supérieur à Hitonari Tsuji, mais inférieur à Haruki Murakami au niveau littéraire (c’est pas que j’aie envie de faire un classement non plus). Ça se lit facilement, c’est bien développé, quoique le vocabulaire soit très basique, et que les tournures de phrases ne soient pas très recherchées. On a l’impression de lire une dissertation d’un lycéen (de ce que je m’en rappelle, ou de ce que j’en imagine dira-t’on), mais sur une histoire absolument pas typique de ce qu’on peut trouver dans une copie d’écolier.

Ça parle de meurtre, et d’un tueur limite psychotique obsédé par les pics à glace, qui pour éviter de poignarder son bébé (il a des pulsions) se décide à aller tuer une prostituée pour assouvir son besoin de meurtre. Sauf que la prostituée sur laquelle il va tomber est encore bien plus déjantée que lui. Oui, oui, oui…certes, ça a l’air assez violent, n’est-ce pas? Mais en fait, c’est écrit gentiment, c’est pas horrible du tout. Bon, il y a des passages sanglants et un peu dégoûtant, vu le thème c’était obligé, mais rien de terrible.

Le bouquin est intéressant sur le décalage entre le style d’écriture et le contenu de l’histoire. Mais si l’histoire est vaguement amusante par son originalité, ça n’est pas retournant. On ne retire rien de philosophique du bouquin, aucun enseignement, aucun aperçu bien concret de la psyché de tueurs psychotiques (alors que pourtant c’est le thème du bouquin)…c’est juste un roman qui raconte une histoire, point barre. Et même si l’histoire est bien écrite, quand le bouquin est fini, on passe à autre chose sans autre dissertation (ahah). C’est un peu comme lire un long article de blog qui raconte une histoire un peu déjantée; c’est fun, mais rien de plus.

L’arbre du voyageur

Je suis au Japon, les Japonais sont fous de littérature (ou plutôt ils sont fous de lecture), le monde entier fait tout un foin de quelques auteurs japonais, alors je me suis dit que j’allais essayer de lire un peu plus d’auteurs japonais.

Passé la déception d’un bouquin de Murakami Haruki (les mots durs me manquent pour en dire assez de mal), j’ai essayé un auteur que je ne connaissais pas: Hitonari Tsuji. Wikipedia dit qu’il est très connu au Japon. Moi je ne le connaissais pas, mais je ne suis pas une référence en la matière, étant déconnecté de la télévision et des journaux.

Son bouquin est plus une nouvelle qu’un roman; il est tout petit, et “c’est écrit gros”. Un lecteur amateur devrait mettre deux heures pour le lire (ça m’a pris le double). Le fait que l’histoire soit courte n’est pas un problème en soi, car j’aime les nouvelles.

Le problème, c’est plus que l’histoire est conne. On retrouve une grande dose du style de Murakami (des trucs de l’espace tirés tout droit de la 5e dimension, sans explication ou indices, et dont même l’auteur ne semble pas comprendre pas la signification…il écrit un rêve en gros, et essaie d’écrire des trucs “cools”), mais écrit nettement moins bien. De nombreux blogs sont bien mieux écrits. Le style est basique, pas entrainant, digne d’une rédaction d’un collégien en 4e. Les métaphores sont bêtes et simplissimes, les références pas recherchées. On a l’impression que l’auteur est d’une inculture énorme.

L’histoire ne tient pas la route, l’intrigue est irréaliste et le roman n’atteint pas son but, lui aussi assez évident. Enfin, l’histoire ne finit pas; ce n’est pas un problème quand on a donné assez de matière au lecteur pour réfléchir tout seul, mais là il n’y avait tellement rien pendant le bouquin que c’est visible comme le nez au milieu de la figure que l’auteur a tenté de faire une fin “cool” (encore) avec son histoire à deux balles. Quel prétentieux! Il n’a pas le niveau! C’est comme si un roman de Maigret finissait 15 pages avant la fin. Ça fait pas “cool”!

Un bouquin déconseillé à tous, surtout à ceux qui lisent peu et n’ont pas de temps à perdre sur des ratages littéraires. Un bouquin qui a été publié pour la seule raison que son auteur est connu pour d’autres raisons que son écriture.

Albertine Disparue

Sixième tome de la saga écrite par Marcel Proust. Albertine se prend un arbre de face quand son cheval l’envoie valser, et disparaît. Bouquin assez court.

Dans la première partie du livre, on voit le narrateur aux prises avec la disparition de sa prisonnière. “Albertine est morte” devient une lithanie, présente deux ou trois fois par page, rythmant le récit de la souffrance virtuelle du narrateur. Cette souffrance est admirablement bien décrite, mais ça ne dépareille pas du reste de l’œuvre. Avoir toute une tranche de vie intimement reliée à une personne qui par la suite disparaît vous fait découvrir de toutes nouvelles sortes de douleurs. Une partie de soi disparaît avec la disparue.

La deuxième partie est à mon avis une ébauche du dernier livre, mais on y lit encore plus de références historiques qu’ailleurs. Quelqu’un peut-il réellement, sans aide extérieure, comprendre les centaines de références faites par le texte? Toutes ces références qui, hélas, à mon goût, ne font que diminuer la valeur littéraire de l’histoire, quand celles-ci n’ont aucun lien directe avec cette histoire. Exemple:

“L’habitude d’associer la personne d’Albertine au sentiment qu’elle n’avait pas inspiré me faisait pourtant croire qu’il était spécial à elle, comme l’habitude donne à la simple associations d’idées entre deux phénomènes, à ce que prétend une certaine école philosophique, la force, la nécessité illusoires d’une loi de causalité.”

Note de bas de page: “On reconnaît la philosophie de Stuart Mill (1806-1873), qui est associationniste.”

Oui, certes. Moi, je ne l’avais pas reconnue, j’avoue, mais maintenant qu’on me le dit…Et les références sur tel ministre ou tel personnage politique sont légions…on atteint les 500 notes de bas de pages pour 273 pages d’un livre de poche.

Mais heureusement, le récit de Proust est abordable pour les incultes tels que moi. Ses descriptions de sentiments, ses explications sarcastiques des évolutions de sentiments, et dans une certaine mesure des… associations… faites entre des souvenirs, et une scène du temps présent, sont éblouissantes et révélatrices. Pas étonnant que Openheimer ait déclaré A la recherche du temps perdu son livre préféré. Une telle analyse, une telle matérialisation en des mots de sentiments dont personne ne parle, dont personne ne veut parler, mais que la plupart des gens ressentent était une tâche des plus ardues.

Ces bouquins sont une référence sur la vie et, dans une certaine mesure, sur le temps qui passe. Mais c’est pas du tout ce que j’avais imaginé avant de les lire (il m’en reste un à lire tout de même).

En conclusions, quelques citations…être d’accord ou pas avec leur contenu (surtout pris hors-contexte) n’a aucune espèce d’importance.

“Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination.”

“Plus le désir avance, plus la possession véritable s’éloigne.”

“Le désir engendre la croyance.”

“Notre amour de la vie n’est qu’une vieille liaison dont nous ne savons pas nous débarrasser. Sa force est dans la permanence. Mais la mort qui la rompt nous guérira du désir de l’immortalité.”

“L’optimisme est la philosophie du passé.”

La Maison des Mères

Tout le monde connait Dune, au moins ceux de ma génération, et au moins de nom. Mais les gens connaissent surtout le film, et moins le livre, ou plutôt les livres.

Le cycle de Dune par Frank Herbert fait 6 livres, dont le premier est séparé en deux tomes (total 7 livres physiques). J’avais acheté les 7 livres il y a un peu plus de 15 ans, mais n’en avait lu que 6 à l’époque. La raison est que j’aimais tellement cette saga, et que je n’avais tellement pas envie qu’elle prenne fin (l’auteur était déjà décédé), que je m’étais laissé un tome de secours. J’avais passé des nuits entières à lire certains de ces livres, j’en avais rêvé, et ils m’avaient laissé songeur durant des mois entiers.

15+ années plus tard, j’ai donc décidé de finir le cycle, et ai demandé à mes parents de m’envoyer le livre que je n’avais jamais lu, pour boucler la boucle. Comme quoi je peux mettre du temps à finir les choses, j’en avais dit un mot lors de mon article sur La Prisonnière (premier paragraphe, dernière ligne). Personne ne s’en souvient bien sûr, mais c’était lourd de signification pour moi. Je n’ai jamais oublié ce dernier tome que je ne n’avais pas lu.

Herbert était un génie dans ses écritures sur les religions, surtout concernant leurs interactions, leurs évolutions dans le temps, leurs sociétés secrètes, et leur contrôle sur les masses. Il n’y a rien d’écrit dans ces livres qui ne soit volontairement agressif envers les religions, c’est plus descriptif qu’argumenté, mais à mon avis les athées doivent être bien confortés par ce qu’ils peuvent lire dans ces livres.

L’autre thème majeur du cycle est celui de l’Histoire (un mot plus à la mode serait l’ “évolution”). Un peu plus de 5000 années se passent entre le début du premier bouquin et la fin du dernier, et à chaque livre, quelques années seulement se passent (on fait des bonds dans l’Histoire entre chaque livre). On voit alors comment est considéré ce qui s’est passé des milliers d’années auparavant, les relations entre les causes et les conséquences des actes et décisions des puissants, et, puisqu’il s’agit de science-fiction et que certains personnages ont quelques dons de prophétie, comment se passe (ou non) la réalisation des destins, avec des sous-thèmes comme le refus du destin, le développement des potentiels, les réussites et les échecs personnels ou à grande échelle. Pour quiconque est inquiété de l’évolution des choses (la race humaine, disons-le), la vision des choses exprimée par ces livres est révélatrice. Après s’être rendu compte de beaucoup de problèmes qui peuvent arriver dans le développement humain, et les calendriers cachés de certains puissants (les religions en première ligne), on s’inquiète beaucoup du futur, on se pose des questions sur le passé et sur notre place dans tout ça. Mais une fois qu’on a assimilé tout ça, on a paradoxalement perdu une partie de notre innocence, et on se détache de ces même choses. Le devenir de l’homme? Les implications et les influences respectivement requises et générées nous passent bien trop au-dessus de nos têtes. J’ai arrêté de m’y intéresser (dans la vie réelle) après la lecture de ces livres.

La Maison des Mères est une sorte d’épilogue à ce qui a précédé. A mon avis, Les Enfants de Dune (3e livre), et L’Empereur-Dieu de Dune (4e livre) sont les tomes les plus profonds et les plus intéressants. Au contraire, Dune (tome 1 et 2, 1er livre), Le Messie de Dune (2e livre), Les Hérétiques de Dune (5e livre) et la Maison des Mères (6e livre) sont certes intéressants, mais se concentrent sur l’histoire de type roman, sur fond de ce que j’ai expliqué ci-dessus (religion et Histoire). “Les Enfants” et “L’Empereur”, eux, se concentrent à fond sur ces sujets limite philosophiques, sur fond d’histoire de roman de science-fiction. Le film “Dune” couvrait le premier livre (en deux tomes) “Dune”, tout en évitant soigneusement les aspects philosophiques et métaphysiques, c’est à dire l’essence même du bouquin, tout ce qui faisait son intérêt. Dune, le film, était pas mal, mais sans commune mesure avec le livre, qui lui-même est bien en-dessous des livres qui lui ont succédé.

Cette saga fut écrite il y a plus de 40 ans (le premier tome), et reste à mon avis indémodée car ne repose pas sur des gadgets futuristes; c’est de la science-fiction, mais la partie technologique est sous-développée pour mettre en avant la partie humaine des mondes.

Pour moi, après 15+ années, j’ai pu me replonger dans cet univers que je n’avais jamais vraiment oublié, avec une histoire nouvelle. Pas la meilleure histoire de la saga, mais bien dans le même esprit et du même auteur. Ne pas lire ce tome à l’époque fut un choix audacieux, mais pas forcément judicieux car je ne pense pas recommencer l’expérience. 15 ans d’attente passive, 15 ans d’une affaire (la lecture de la saga) qui attend sa fin (lire le dernier tome), c’est long. Je suis bien content d’avoir retrouvé l’univers de Dune, mais le prix était à mon avis trop élevé. Je devrais donc finalement finir la saga d’A la recherche du temps perdu cette année ou la prochaine.

Kafka on the shore

Yukiko m’a acheté ce bouquin sans demander mon avis. C’est d’un auteur japonais mondialement connu, l’un des auteurs contemporains japonais les plus connus, peut-être même le plus connu. Elle me l’a pris en anglais, estimant sans doute que je ne pourrais pas le comprendre en japonais. Avec le recul, je crois que ç’aurait effectivement été difficile.

Il s’agit d’une histoire fantastique, ou pour être plus précis une histoire tirée tout droit de la cinquième dimension. Les gens parlent aux chats, peuvent faire pleuvoir des poissons, voient des fantômes, passent dans un autre monde, sont asexués, etc… Le livre est un enchaînement de mystères dont absolument aucun n’est résolu. Pris un par un, on peut toujours y lire une quelconque symbolique plus ou moins bête et simpliste (avec par exemple le narrateur qui tue son père, couche avec sa mère et viole sa sœur…symboliquement…), mais l’œuvre dans son ensemble est…une perte de temps.

Je me suis dit que c’était moi qui n’avais pas compris le sens caché, que mon manque d’expérience de lecture était en faute…alors j’ai cherché les réponses sur Internet. Bah en fait, j’avais raison dans ce que je lui reprochais; il n’y a aucun sens à cette histoire. Même l’auteur le dit dans une interview: “Je n’ai aucune idée du sens de cette histoire. J’ai écrit un rêve, mais moi-même je n’en comprend pas le sens. Bon en fait, en le relisant des dizaines de fois comme j’étais obligé puisque c’est moi qui l’ai écrit, j’ai commencé à comprendre le sens caché. Je recommande donc aux lecteurs de le lire plusieurs fois, ils y verront plus clair.”.

Cet abruti est un grand comique. Lui-même dit qu’il a écrit un truc qui n’a pas de sens, et il demande aux gens de le lire plusieurs fois! Hallucinant. A lire les quelques critiques sur ses œuvres, ce genre d’histoire, c’est son style. Ses histoires (sauf une) sont toutes en dehors de la réalité et n’ont aucun sens. Mais il arrive à vendre super bien, et c’est tant mieux pour lui. En fait, le gars a du génie, mais c’est dans son style d’écriture; ça se lit très facilement. Du moment qu’un livre se lit facilement, il se vendra bien de toute façon. Ça n’a que peu à voir avec le fond de l’histoire. Je recommande donc à tout le monde de tenter d’écrire un livre, avec n’importe quelle histoire; si votre style écrit est bon, vous vendrez.

Mais vous savez, je critique cet auteur et cette histoire, mais je n’aime pas lire les romans pour la même raison. Sortir de la lecture d’un livre sans en retirer une matière à penser ou sans en retirer aucune instruction palpable ne me convient pas. Curieusement, je n’ai pas ce problème avec les films; je peux regarder des films concrètement nuls qui n’apportent virtuellement rien à l’esprit, et ce sans problèmes. Je peux même mettre à ce genre de films jusqu’à quatre étoiles. Mais avec les livres, je n’y arrive pas. Curieux, non? Ça doit être “les goûts et les couleurs”.

La Prisonnière

Tome V de la saga d’A la recherche du temps perdu, et premier livre de 2008. Tout le monde se dit que je vais aller jusqu’au bout de cette saga. Ça vous semble évident, n’est-ce pas? Et pourtant ce n’est pas sûr à priori. Je vous en donnerai la raison d’ici à quelques mois.

Je me rappelle d’une certaine employée japonaise de ma précédente boite, qui parlait français avec un niveau correct bien que loin d’être parfait (moins bon que celui d’autres japonais francophones que j’aie pu rencontrer par ailleurs). Je me rappellerai d’elle encore quelques mois, car elle m’avait raconté avoir lu cette saga en français. A chaque fois que je lis un livre de Proust, je me dis qu’elle m’a raconté des salades, ou bien alors elle n’avait rien dû comprendre. J’admire le niveau de français des livres de Proust, et même si n’importe quel francophone natif sera capable de comprendre ce qu’il écrit (au moins au premier degré), il faut reconnaître que ses phrases et son vocabulaire sont d’une complexité impressionante. Mais de quelle beauté sont les textes!

La Prisonnière me fut pénible à lire, au moins pour la première moitié. La description sans faille de la jalousie parfaite du narrateur, et de la situation de la Prisonnière, furent éprouvantes. La deuxième partie revenant sur une critique sarcastique -maintenant convenue- de la haute sociéte se lit bien vite en comparaison. J’ai sans doute assimilé les lignes principale de la critique de Proust, et je me suis surpris à en regarder les détails de plus en plus. Une bonne part (la plus grosse part, de fait) des références, sous-entendus, et coups de pied sous la table restent incompréhensibles à la bête sauvage inculte littérairement que je suis, mais j’y trouve tout de même mon compte. Je suppose qu’il faudrait s’atteler à la lecture de ces ouvrages plusieurs fois, et à faire nombre de recherches sur le côté pour bien saisir la portée de cette œuvre, mais ce n’est pas quelque chose que je suis prêt à faire. A chacun son projet de vie.

Curieusement, c’est toujours dans les parties les plus difficiles pour moi où je trouve les plus belles phrases qui feraient d’excellentes citations. Sans doute est-ce dû au mystère entourant ces paragraphes que je peine à parcourir, les citations faisant office de soleil luisant alors qu’on se trouve à 2000 mètres sous la surface; car on les comprend, on en tire du jus comme de fruits, et on les accroche dans notre mémoire comme on accroche une peinture acquise à coût élevé à un mur de sa maison. En voici quelques-unes. Notez qu’il ne s’agit pas d’être d’accord ou pas avec ce que le narrateur raconte, mais de savoir si on peut en tirer une quelconque nourriture intellectuelle.

“Etre dur et fourbe envers ce qu’on aime est si naturel! Si l’intérêt que nous témoignons aux autres ne nous empêche pas d’être doux avec eux et complaisants à ce qu’ils désirent, c’est que cet intérêt est mensonger. Autrui nous est indifférent, et l’indifférence n’invite pas à la méchanceté.”

“On a dit que la beauté est une promesse de bonheur. Inversement la possibilité du plaisir peut être un commencement de beauté.”

“On se rappelle la vérité parce qu’elle a un nom, des racines anciennes, mais un mensonge improvisé s’oublie vite.”

“Depuis que l’Olympe n’existe plus, ses habitants vivent sur la terre.”

“La nature ne semble guère capable de (ne) donner que des maladies assez courtes. Mais la médecine s’est annexé l’art de les prolonger.”

J’aurais beaucoup aimé développer sur une des citations, mais cela me prendrait un temps infini. Ceci et mon bien piètre don en ce domaine me font recommander de vous tourner vers un site bien plus apte à la tâche que le mien. Je vous laisse en devoir de repenser aux citations par vous-mêmes, et d’y trouver ce que vous pouvez et voudriez y mettre. Beaucoup d’entre nous en sommes là.

Sodome et Gomorrhe

Quatrième tome de la saga d’A la recherche du temps perdu. Ce volume fut le plus facile à lire, et paradoxalement le plus ennuyeux.

Le thème du bouquin: l’homosexualité, surtout celle des hommes. Pas un sujet qui me touche ni n’émeut beaucoup. Mais il est intéressant de voir que l’histoire aurait tout à fait pu se passer de nos jours; je n’ai déceler aucune pensée arriérée par rapport à maintenant, ni plus avancée. Alors ça veut dire quoi ? Et bien cela dépend de là où on se place, mais vraiment, on dirait que “les mentalités n’ont pas avancé d’un pouce”, en lisant ce livre.

Certains personnages clés du roman commencent à mourrir. Le temps s’écoule. Le narrateur fait son initiation à la vie amoureuse (après avoir fait celle de la vie mondaine, curieux ordre).

En dehors de l’homosexualité, ce que décrit Proust, une fiction, me glace le sang. Proust raconte ma vie. Bon, pas toute, et tout ce qu’il raconte ne peut pas être trouvé dans ma vie, même avec les plus grands efforts du monde. Mais le narrateur a des pensées, des réflexions, qui rejoignent exactement (et je vous promet que “exactement” est un euphémisme par rapport à ce que j’ai pu ressentir en lisant certaines lignes) ce que j’ai vécu et pensé par le passé. Coïncidence, ou bien en fait tout le monde pense ou a pensé comme cela ? Je n’ose demander, car la réponse m’effraie trop (“si vous avez peur de la réponse, ne posez pas la question”).

J’ai encore quelques citations que j’ai relevées et que je n’ai jamais pris le temps de publier. Je vais prendre le temps. Un jour.

Bon, un excellent bouquin tout de même, même si c’est celui que j’ai le moins apprécié. J’ai lu ce bouquin, et pour la première fois depuis…toujours ?… j’ai regretté ma campagne natale. Certains ne manqueront pas l’occasion de dire que j’exagère, comme d’habitude, puisqu’aux dernières nouvelles, Nantes n’est pas la campagne. Et bien, tout dépend de là où on se place.

La lecture de ce livre me permet de réaliser le point 10 de ma liste de résolutions du nouvel an.

Nemesis

Qui a cru que j’allais présenter un film ? (C’est le titre d’un Star Trek)

Nemesis est le titre d’un livre que je viens de finir; c’est la biographie d’Aristotle Onassis, particulièrement vu sous l’angle de ses relations avec Jackie O et Robert Kennedy.

L’auteur, Peter Evans, n’est pas un écrivain, c’est un journaliste. Vous me direz que la frontière est fine entre les deux, mais imaginez que vous lisiez un journal de 300 pages qui ne contient qu’une seule histoire. C’est exactement l’impression que j’ai eue; un style télégraphique, des tournures à la Paris Match, aucun style littéraire. Mais au moins, ça a l’avantage d’être facile à lire (en plus “c’est écrit gros” comme dirait l’autre).

Le contenu est très intéressant. C’est crédible, mais peut-être seulement parce qu’on a l’impression de lire un journal. On va de surprise en surprise. Peter Evans était le biographe officiel d’Onassis de son vivant, donc lui-même doit croire qu’il dit la vérité. Mais allez savoir.

On apprend donc que:

  • Onassis aurait financé l’assassinat de Robert Kennedy
  • John F. Kennedy était un coureur de jupons qui ne pensait qu’à ça (c’était aussi un bon politicien, mais c’est secondaire dans sa vie)
  • Robert Kennedy aurait fait assassiner Marylin Monroe (sur ce coup-là, il y avait déjà des suspicions)
  • Jackie trompait allègrement JFK avec Onassis (et beaucoup d’autres) bien avant sa mort
  • JFK n’en avait rien à faire quand sa femme faisait des fausses couches (avec des remarques du genre “et pourquoi je devrais aller la voir à l’hôpital, j’ai autre chose à foutre”)
  • Onassis aurait commencé sa carrière avec du traffic de drogue. Qu’il aurait repris quelques années alors qu’il était au sommet de sa gloire.
  • Onassis aurait financé le groupe terroriste Black September, mais sans savoir qu’ils allaient utiliser l’argent pour l’attentat de Munich
  • etc.

Dans ce livre, pas un seul personnage n’a de morale. Pas un seul n’est sympathique. Tous sont carriéristes, et égoïstes. On sort de ce livre avec la nausée.

Mais on apprend aussi deux ou trois choses sur le monde du business. Enfin sur une certaine façon de le faire.

L’un dans l’autre, je trouve que ce livre en fait trop, mais c’est assurément divertissant. Pas un bon livre. Mais fun à lire.